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PIERRE CURIE

mises en œuvre que par l’étendue et l’importance des résultats.

Si les travaux de la première période sont d’importance théorique essentielle, ses études magnétiques mettent peut-être mieux en lumière la maturité de l’expérimentateur, l’aisance avec laquelle il résout des difficultés continuelles, la parfaite conscience de l’ouvrier.

Peu de questions en physique sont aussi difficiles et mal élucidées que celle des propriétés magnétiques de la matière, bien plus complexes que les propriétés électriques, pour lesquelles il semble que nous commencions à posséder des représentations assez satisfaisantes.

En magnétisme, tout était encore obscur à l’époque où Curie commença son travail ; à part la conception d’Ampère-Ewing qui rapporte à l’orientation de courants ou aimants particulaires sous l’action d’un champ magnétique extérieur les propriétés des corps fortement magnétiques, ferromagnétiques, nous ne savions à peu près rien sur les corps faiblement magnétiques, de perméabilité peu supérieure à celle de l’éther, ni surtout sur ces singuliers corps diamagnétiques sans équivalent en électrostatique, dont l’aimantation se fait en sens inverse du champ qui produit. Les recherches de Curie nous ont permis d’y voir un peu plus clair en apportant des raisons essentielles de croire à la continuité des phénomènes présentés par les corps faiblement magnétiques et ferromagnétiques, et leur différence profonde avec les phénomènes du diamagnétisme. Un corps faiblement magnétique diffère d’un corps fortement magnétique en ce que l’agitation thermique des aimants particulaires les empêche d’obéir de manière appréciable à l’action directrice du champ extérieur et à leurs actions mutuelles ; cette influence prépondérante de l’agitation thermique est manifeste dans une loi expérimentale découverte par Curie, et qui porte son nom, après laquelle pour tous ces corps faiblement magnétiques la susceptibilité ou coefficient d’aimantation varie comme la densité d’un gaz sous pression constante, en raison inverse de température absolue : la faible orientation moyenne que prennent les aimants particulaires dans le champ extérieur diminue à mesure que l’agitation thermique augmente.

Puis, de même qu’un gaz brusquement se liquéfie quand la température s’abaisse suffisamment, de même le refroidissement vient brusquement permettre, grâce aux actions mutuelles des