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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

expliquer et prévoir ses déplacements irréguliers à mesure que changent les conditions, enfin retrouver la piste après une interruption de la pêche. Ici tout est à faire, mais l’on peut faire quelque chose.

Tout est à faire car les savants n’ont guère abordé ce labeur, qu’il faut poursuivre aux côtés du pêcheur sans choisir l’heure, ni le temps, et tous les jours d’une saison.

Mais il y a quelque chose à faire parce qu’on rencontre les problèmes vraiment utiles, parce qu’on retrouve cent fois la même situation, matière à vérifications nombreuses et à recoupements suggestifs, parce que les exemples concrets sur lesquels on opère imposent l’observation des circonstances que l’océanographe néglige volontiers ; au cours de la pêche, on notera l’influence du vent et du fonds, l’effet d’un ciel pur ou d’un temps nuageux, d’une brume ou d’un clair de lune ; on observera les particularités du courant, les remous sur un banc, les dormants dans une baie, les contre-courants près de terre, car tout cela prend, dans la pêche, autant et plus d’importance que les facteurs classiques de l’océanographie. Par-dessus tout l’on verra que souvent les facteurs physiques le cèdent en importance aux causes biologiques et que rien n’arrête une espèce qui cherche ses lieux de ponte.

On peut battre tout l’océan en explorant ses conditions physiques sans rencontrer un seul hareng, sans avoir une seule occasion d’observer ses mœurs et ses migrations ; mais on ne peut suivre le hareng toute une saison sans apprendre quelque chose sur ses habitudes et sur sa pêche. Or, cette méthode préférable qui s’attache avant tout à la poursuite du poisson, cette analyse de ses allures et des circonstances ambiantes, c’est la classique biologie, et l’intervention du thermomètre n’y est pas une nouveauté. Si modeste que soit sa place dans le programme international, c’est d’elle que viendront les résultats pratiques.

Quant à l’océanographie qui tient orgueilleusement le devant de la scène, nous la saluons comme une science pure fort attrayante, capable d’éclairer les choses de la mer et de jeter quelque lumière sur la pêche ; mais les promoteurs se sont trompés sur l’étendue des services qu’elle peut rendre parce qu’ils ont méconnu le sens du déterminisme du poisson. Aussi bien, sans la magie des promesses qu’ils ont faites aux peuples pêcheurs, on n’aurait pas obtenu sans peine les millions et les