Page:La Revue du Mois, tome 2, 1906.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
LA REVUE DU MOIS

le temps où celles-ci y prédominent ; mais à d’autres époques il disparaîtra devant le retour des eaux baltiques ou océaniques qui l’une et l’autre amènent des groupements nouveaux. Il va nous falloir étudier ces planktons : or, justement, les méthodes classiques, physico-chimiques ou autres n’ont pas révélé l’origine première de ces eaux océaniques ; l’étude du plankton va peut-être le faire et son intérêt se trouve ainsi doublé. Ces eaux semblent venir par la fosse norvégienne du détroit qui sépare les Shetland des Fœröé. Ce détroit est une ligne de hauts fonds allant jusqu’à l’Islande ou au Groenland, et qui forme d’autre part la bordure de la mer du Nord jusqu’au Skagerrak lui-même ; cette levée sous-marine, qu’on appelle la crête Wyville Thomson, forme la séparation entre l’Atlantique nord et la mer de Norvège, et c’est un carrefour essentiel de l’hydrographie. Le Gulf-Stream l’aborde perpendiculairement entre les Shetland et les Fœröé, ou environ ; enfin, un courant polaire passant par le nord et l’est de l’Islande court au sud-est le long de la crête Wyville Thomson. Il doit donc se produire vers les Fœröé une rencontre et un conflit des eaux chaudes et salées du Gulf-Stream avec les eaux très froides et relativement plus douces qui viennent de la calotte polaire.

Les hydrographes anciens admettaient la prédominence du Gulf-Stream qui, refoulant les eaux polaires vers l’est et le le nord-est, viendrait baigner toute la côte norvégienne jusqu’aux Lofoten par exemple, et remplir notamment les creux du Skagerrak. Mais Peltersson a défendu cette hypothèse que le courant polaire pourrait temporairement croiser[1], sinon même refouler le Gulf-Stream, et il fondait cette opinion justement sur la présence passagère de formes arctiques dans le plankton du Skagerrak

De 1896 à 1900 les hydrographes se sont attachés à ce problème ; ils ont montré que le courant polaire est plus fort en hiver qu’on n’avait cru, que le Gulf-Stream s’affaiblit à ce moment, que leur intensité relative varie d’une saison à l’autre et d’une année à l’autre, que leur rencontre se fait au nord des Fœröé par 65° N, et que le Gulf-Stream se trouve fort étranglé à ce niveau, sinon interrompu. Au delà de ce point, un courant

  1. L’hypothèse du croisement avait été émise déjà par sir John Murray (The physical and biological conditions of the Seas and Estuaries about North BritainPhil. Soc. Glascow, 1886).