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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

n’avons pas le dessein d’indiquer ce que la science en général peut faire pour le progrès des pêches ; nous nous proposons seulement d’étudier les rapports particuliers des pêches maritimes avec l’océanographie. Pour cela nous examinerons successivement, le milieu océanographique tel qu’on l’envisage aujourd’hui, c’est-à-dire le courant, et ensuite la façon dont le poisson réagit aux conditions océanographiques.

Toutefois, avant d’aborder cette double analyse, nous allons rapporter un exemple qui nous permettra de faire concevoir la nature de ces rapports ; il a d’ailleurs cet intérêt d’être l’origine historique du grand mouvement de coopération que nous venons de dire et qui s’appelle l’entente internationale pour l’étude de la mer du Nord.

Le Skagerrak est un carrefour où se rencontrent sans se mêler des eaux bien différentes : l’eau saumâtre de la Baltique, venue par les détroits danois, se tient toujours à la surface à cause de sa légèreté (moins de 30 grammes de sel p. 1000) ; au contraire, dans les grands fonds on trouve une eau très dense qu’on appelle eau océanique (salinité 35 p. 1000) ; enfin des courants bien connus amènent par les côtes du Jutland une eau de salinité moyenne qu’on nomme l’eau des bancs (salinité 32 à 34 p. 1000). Pendant l’hiver celle-ci occupe presque tout le détroit sauf le littoral suédois (Bohuslän) et les grands creux ; mais au printemps, elle est refoulée par une double irruption de l’eau océanique dont le niveau s’élève jusqu’à 50 mètres à peine de la surface, et de l’eau baltique qui couvre toute cette surface sur plus de 20 mètres d’épaisseur. Ainsi l’eau des bancs se réduit à une couche modeste étirée entre les deux autres. Quand revient le mois de novembre, le courant du Jutland reprend une grande force et l’eau des bancs ressaisit son domaine. Or, dès 1878, l’hydrographe suédois Ekman avait cru remarquer que ce retour offensif coïncide avec l’apparition du hareng sur les côtes de Bohuslän ; il semblait même que celui-ci ralliât la terre d’autant plus près que l’eau baltique était plus énergiquement refoulée.

Toutes les recherches faites dans le Skagerrak depuis 1878 ont eu pour but d’étudier cette oscillation semestrielle des eaux, et de vérifier son influence sur les mouvements du hareng. C’est