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L’OCÉANOGRAPHIE ET LES PÊCHES MARITIMES

térieusement pendant tout l’hiver ; d’ailleurs il marque une tendance à s’élever vers le nord à mesure que les chaleurs augmentent ; il n’en fallait pas davantage pour fonder une théorie des migrations du maquereau, et pour expliquer sa disparition annuelle ; il allait, pensait-on, hiverner au large, au fond de l’océan libre par quelque cent brasses d’eau dans des couches à 7 ou 8° ; or nous avons révélé naguère[1] que le maquereau se maintient tout l’hiver dans la Manche, et parfois dans de très petits fonds où la température descend bien au-dessous de 7°.

Cette erreur, et d’autres encore sur lesquelles nous reviendrons, procèdent d’une conception simpliste et anthropocentrique des phénomènes les plus complexes. Sans doute la température impressionne les poissons ; mais si le cycle des saisons amène un déplacement de certaines espèces, ce n’est pas forcément dans la direction où nous irions nous-mêmes pour éviter les chaleurs de l’été ou les rigueurs de l’hiver.

S’il est vain de substituer notre logique à la sensibilité du poisson pour découvrir les causes qui le mènent, nous pouvons en revanche tenter une étude plus modeste et plus laborieuse, mais plus féconde aussi ; ayant noté les circonstances qui accompagnent chaque changement d’allure, nous chercherons à démêler celles qui sont vraiment concomitantes ; et nous aurons chance de découvrir par là même, la vraie causalité du phénomène, ses lois, et la méthode de prévision qu’elles comportent.

Mais on voit tout de suite que la notation complète des circonstances entraîne une enquête minutieuse avec toutes les ressources et les précisions de l’océanographie moderne ; nous aurons à déterminer des températures et salinités, des teneurs en gaz dissous (oxygène, acide carbonique, ammoniac, hydrogène sulfuré), en substances variées comme la chaux, la magnésie, la silice, les matières albuminoïdes, en aliments figurés ou vivants (plankton) ; et nous aurons encore à apprécier la force du courant, sa direction, son origine surtout avec tout ce qu’elle implique[2].

  1. A. Cligny. Les prétendues migrations du maquereau. Annales de la Station Aquicole de Boulogne-sur-Mer, 1906.
  2. Nous mettons ici hors de cause l’étude des sondes et de la nature du fond, malgré son immense intérêt pour la pêche, parce que cette partie de l’océanographie peut être considérée comme achevée au regard des besoins des pêcheurs.