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LA DÉCOUVERTE DE L’ANNEAU DE SATURNE PAR HUYGENS

midi ou vers le septentrion) des exhalaisons qui fassent une bande tout alentour de son corps, et qui puissent s’éloigner bien loin de lui, environnant sa surface tant vers nous que vers le firmament, vers l’orient et vers l’occident, à plus ou moins de distance, suivant les dispositions différentes de la planète. Que quelquefois ces exhalaisons remplissent solidement tout l’espace depuis la surface de Saturne jusques où elles s’éloignent le plus de lui tout alentour de son corps (sinon vers les pôles où elles ne vont point) à la façon d’un brouillard d’une fort grande épaisseur. Que quelquefois aussi elles laissent un air libre et tout diaphane entre elles et lui, comme nos nuages terrestres. Mais en général, que ces brouillards ou nuages Saturniens soient bien plus diaphanes que les nôtres ; tellement qu’ils ne représentent de l’opacité que dans une grande épaisseur ; et qu’en peu d’épaisseur, ils soient rares et comme diaphanes.

Sur cette supposition, il n’y a point de difficulté d’expliquer les différentes figures apparentes de cet astre, par les règles de l’optique soit qu’il tourne vite, ou lentement, ou qu’il soit immobile. Car il paraîtra en Ovale massive, quand les exhalaisons rempliront solidement tout l’espace alentour de son corps ; et son allongement sera de l’orient à l’occident. Il paraîtra entre deux Étoiles, quand les mêmes exhalaisons laisseront peu d’espace ou d’air libre entre elles et Saturne, étant encore pourtant médiocrement épaisses par la partie où elles sont fort éloignées de leur astre, tout alentour de lui : et de ces étoiles, l’une sera vers l’orient et l’autre vers l’occident. Il paraîtra avec des anses, quand les exhalaisons laisseront beaucoup d’espace ou air libre et tout diaphane entre elles et Saturne ; et qu’elles auront d’épaisseur en elles-mêmes. Enfin, il paraîtra tout rond, quand il peu sera sans exhalaisons.

Le reste du détail voudrait trop de discours : nous nous en entretiendrons pourtant, s’il vous semble que cette hypothèse ne soit pas suffisante ; car je la crois sans défaut : et par elle j’ai satisfait à toutes les objections des Savants. Mais il faut bien se souvenir que quand ces exhalaisons ont peu ou médiocrement d’épaisseur en elles-mêmes, laissant, beaucoup d’air libre et diaphane entre elles et l’astre ; alors, leur rareté fait que tout contre Saturne, elles ne font pas assez de réflexion de la lumière du Soleil, pour éclairer : ainsi il paraît une obscurité en cet endroit, mais vu peu plus loin de Saturne, où elles s’arrondissent, et par où une ligne droite menée de nos yeux, toucherait leur cercle, là elles paraissent fort épaisses, vers l’orient et vers l’occident : et ainsi elles font une réflexion de la lumière du Soleil, qui fait paraître, ou des étoiles, ou des anses à ses côtés. L’optique enseignera le reste ; une figure aidera l’imagination et, s’il est besoin, vous la ferez facilement.