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aisément, d’après ce qui précède : la convergence des axes optiques ne peut être exacte, la parallaxe binoculaire ne peut donner des résultats stables qu’à la condition qu’il existe dans le champ visuel des points, des objets d’étendue limitée qui puissent être fixés par les deux yeux à la fois. À défaut de tels objets, en présence, par exemple, du ciel uniformément bleu, nos deux yeux se meuvent dans une certaine mesure indépendamment l’un de l’autre, ne fixent pas avec une synergie parfaite le même point, comme des expériences sur lesquelles il serait trop long d’insister ici permettent de le constater facilement.

On ne doit pas opposer voûte céleste et, par exemple, étoiles ; il est impropre de dire que les étoiles sont fixées sur la voûte céleste, comme si l’apparence d’une voûte céleste pouvait exister sans étoiles ou autres objets visibles. En réalité, comme il résulte de ce qui a été dit précédemment, la présence d’astres visibles, de nuages, est une condition indispensable de l’illusion nette d’une voûte céleste. Les étoiles, les nuages (sauf quelques réserves sans importance) nous apparaissent à la même distance que la voûte, parce que ce sont eux-mêmes qui produisent l’illusion d’une voûte, en détruisant l’homogénéité du ciel.

Les questions de la grandeur de la voûte céleste, de sa distance par rapport à nous, de sa forme, reviennent donc à celles de la grandeur que nous paraissent avoir les astres, les constellations, les nuages et de la distance à laquelle ils paraissent se trouver de nous.

Les lois de la grandeur apparente psychologique[1] des astres et des nuages sont celles de la grandeur apparente psychologique d’objets quelconques inconnus. Or cette grandeur dépend, comme on sait, de deux facteurs principaux : de la grandeur de l’image rétinienne ou de l’angle visuel et de la distance apparente des objets[2]. Si on admet que la lune, par exemple, se

  1. J’appelle grandeur apparente psychologique la grandeur que nous paraît avoir un objet : mettons entre les mains d’un ignorant un morceau de craie et demandons-lui de nous dessiner sur un tableau noir la lune, il dessinera un cercle qui aura environ la grandeur d’une assiette : c’est là pour lui la grandeur apparente psychologique de la lune. On pourrait, quand il sera nécessaire de la distinguer de la précédente, appeler la grandeur apparente telle que l’entendent les astronomes et les physiciens, c’est-à-dire l’angle visuel grandeur apparente physique.
  2. J’appelle distance apparente (il me semble inutile d’ajouter ici psychologique) de 100 mètres, par exemple, une distance qui parait égale à une distance de 100 mètres mesurée sur un sol qui nous est familier à partir de nous.