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LA REVUE DU MOIS

qui veut la réforme de l’Église, et qui est en proie aux colères et aux vengeances de Rome, le moine idéaliste Don Clémente, réduit au silence par son abbé, enfin le personnage central, le Saint, Benedetto, ascète laïque en qui la religion est surtout perfection morale à teintes mystiques — ces trois figures, également sympathiques à l’auteur, représentent des attitudes diverses, mais non absolument contradictoires, de l’esprit et de l’âme du catholique quand il sent, comme c’est le cas ici, que l’Église catholique actuelle est dans une voie dangereuse, et quand il voudrait, sans hérésie et sans schisme, l’aider à retrouver un chemin qui ne la mène pas aux abîmes.

Rome a mis le livre à l’Index ; l’auteur s’est soumis, et sa soumission, jugée insuffisante par les uns, l’a fait taxer de lâcheté par la jeunesse des écoles et la presse libérale. Elle lui vaut les félicitations de M. Edouard Rod, qui l’admire comme un acte de courage (Les Débats, 18 mai). L’apparition et la condamnation de ce roman, dans le temps même où le pape a condamné la lettre pastorale de Mgr  Bonomelli, le respectable évêque de Crémone, coupable d’avoir envisagé la possibilité d’une séparation de l’Église et de l’État en Italie ; où se déploie une nouvelle activité dans les affaires Loisy et Houtin ; où un nouveau syllabus est en préparation ; où les tendances historiques et les études bibliques sont de plus en plus suspectes ; où l’intervention des catholiques français notables a reçu l’accueil que l’on sait, n’ont pu manquer d’occuper beaucoup les milieux religieux italiens et étrangers. La Rivista d’Italia (n° de mars) montre, d’un point de vue indépendant, que c’est le sentiment religieux à l’état pur, dégagé de la hiérarchie et de l’Église, qui fait, que l’auteur le veuille ou non, le grand intérêt de son livre. La Rassegna nazionale, importante revue bi-mensuelle, catholique libérale, peu favorable aux jésuites et aux mesures d’étouffement intellectuel, voudrait concilier son admiration pour le livre et son respect pour l’arrêt qui le condamne. Dans son numéro du 1er  juin, deux articles intéressants sont consacrés au Santo et à l’œuvre de M. Fogazzaro, d’où il résulte que le dernier roman de cet auteur est le plus édifiant sans doute, mais aussi le moins bon : la thèse y fait tort à l’art. — Die Warte (Münich) consacre son numéro de mars à l’auteur et à l’œuvre. Das Hochland avait commencé la publication du roman, mais n’en donne la suite qu’en tirage à part adressé aux personnes qui ont l’autorisation de lire les livres prohibés. — Dans The Fortnightly Review, Mrs Crawford, catholique, étudie le roman au point de vue littéraire et moral d’une manière très complète. Sans trancher la question de savoir si Benedetto est un vrai saint (la Rassegna nazionale dit oui, mais la Civiltà cattolica, organe des jésuites, dit non) elle fait ressortir ce que sa figure a d’admirable et d’humain. Elle