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CHRONIQUE

60 mètres, qui affleure des deux côtés du détroit et ne descend pas, au milieu, à plus de 100 mètres de profondeur : on estime que sept années suffiraient pour y creuser, soit une galerie unique pour deux voies parallèles, soit — ce qui serait plus prudent et mettrait les voûtes à une moins dure épreuve — deux galeries à quelques mètres de distance, sans courbes trop raides ni pentes trop fortes, de telle sorte qu’avec des machines électriques on ferait la traversée en quarante minutes, gagnant une heure et demie sur le trajet de Paris à Londres.

Sur le coût de l’entreprise on ne peut faire que des conjectures. Mais peu nous importe, puisque deux compagnies, déjà fondées depuis trente ans, et qui ont déjà dépensé deux millions et percé deux kilomètres de galeries, se déclarent prêtes à tenter l’aventure si on leur en accorde l’autorisation. Dès le jour de l’ouverture elles comptent sur une clientèle annuelle de deux ou trois millions de voyageurs, auxquels elles pensent évidemment, bien qu’elles ne le disent pas, pouvoir faire payer assez cher l’assurance donnée contre le mal de mer.

Que faut-il pour que l’autorisation leur soit donnée ? Simplement — car il n’y a aucune difficulté du côté français — que les Anglais s’habituent un peu à l’idée de ce tunnel si dangereux pour leur sécurité. Pour les tranquilliser, on leur propose de faire passer la voie, au sortir du tunnel, sur un grand viaduc, que leur flotte, maîtresse du détroit, pourrait bombarder et détruire en cas de surprise. Mais toutes les garanties, quelles qu’elles soient, ne leur suffiront pas si, comme il est possible, le fond de l’idée de certains d’entre eux est qu’il ne faut pas trop frayer avec ce qu’ils appellent les gens du continent.

Littérature italienne. — Un roman religieux à sensation. — Peu d’ouvrages ont excité l’intérêt et fait naître la discussion comme le dernier roman d’Antonio Fogazzaro, Il Santo (Milan, Baldini, in-16), récemment publié sous ce même titre par la Revue des Deux Mondes[1]. L’auteur est depuis longtemps célèbre : on a traduit et lu chez nous avec intérêt Malombra, Daniel Cortis, et ces deux romans dont Il Santo forme aujourd’hui le couronnement de manière à constituer une sorte de trilogie, Un petit monde d’autrefois et Un petit monde d’aujourd’hui. M. Fogazzaro est l’un des chefs du mouvement catholique libéral en Italie. Ses idées, cette fois, s’expriment avec une assez grande netteté. Le rationaliste catholique Giovanni Selva

  1. La traduction française a paru en volume sous ce titre : Le Saint (Hachette).