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CHRONIQUE

multiplication par spores donne en peu de générations des individus purs du signe + ou du signe – ; il y a alors une disjonction progressive des sexes dans la descendance d’un couple qui rappelle la disjonction progressive des caractères de certains hybrides au cours des générations.

Ces curieuses particularités de la différenciation sexuelle chez les Mucorinées, jointes aux facilités qu’offre la culture de ces moisissures à évolution rapide, produisant des spores par milliers, méritent de faire de ce groupe de végétaux inférieurs l’un des objets favoris d’études pour les biologistes attachés à découvrir ces lois générales de la sexualité dont on ne pressent encore qu’obscurément l’existence et l’importance fondamentale.

Chimie. — La conservation de la matière. — L’idée que la matière se conserve n’est point nouvelle ; elle dut être envisagée avec plaisir par le premier que préoccupa la question : il lui eût été pénible d’admettre que cette matière, dont il avait conscience de faire partie, put un jour disparaître tout à fait ; peut-être, à force d’audace, arriva-t-il à penser que parfois elle pouvait s’évanouir en fumée ; mais il savait, pour avoir allumé du bois vert dans une caverne qui tirait mal, que la fumée n’est point sans existence réelle.

Plus tard on apprit qu’elle est douée de pesanteur, les choses se précisèrent et l’on se refusa à penser que la matière soit susceptible d’un avatar auquel la notion de masse ne serait plus applicable : la question se poserait immédiatement de savoir en quoi consiste une telle transformation, nous serions obligés de secouer notre paresse intellectuelle, sans que la nécessité en paraisse évidente et nous n’aimons point cela.

Si l’on en croit les manuels classiques, c’est un chimiste qui assit sur une base solide la notion de la conservation de la masse ; n’y trouve-t-on pas régulièrement les deux lignes suivantes : Loi de la conservation de la matière, ou loi de Lavoisier : « le poids d’un composé est égal à la somme des poids des composants ». Cependant, la lecture des œuvres de Lavoisier nous montre que la conservation de la masse est pour lui chose évidente[1], qu’il fait un très heureux usage de ce postulat, mais n’a point la prétention de le démontrer.

Pourquoi d’ailleurs un énoncé restreint aux combinaisons ? Peut-être parce qu’un changement de masse serait considéré comme une modification extraordinaire, et que des modifications très grandes

  1. Voir, par exemple, Œuvres de Lavoisier, t. I, p. 52 et 53.