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sence d’un élément histologique, donnerait une indication permettant de dire « cet élément est sexué, il est mâle », comme un électroscope à feuilles d’or une fois préparé permet de dire d’un corps qu’on en approche « ce corps est électrisé, il est positif ».

Fait curieux, alors que les gamètes sont semblables, les individus des deux séries qui les produisent sont en général nettement différents ; ceux de l’une sont plus vigoureux que ceux de l’autre. Alors que tout caractère sexuel primaire fait en apparence défaut, les porteurs de gamètes complémentaires se différencient par des caractères de l’ordre de ceux qu’on a coutume de nommer caractères sexuels secondaires. Les seules espèces de Mucorinées où l’on ait pu déceler entre les gamètes des différences minimes mais constantes sont justement du nombre de celles, qu’on pourrait dire hermaphrodites, chez lesquelles un individu cultivé isolément peut produire des zygospores. Des individus sexués différents peuvent donc exister dans le cas où les gamètes paraissent identiques, tandis qu’inversement la différenciation des gamètes peut ne pas entraîner celle des individus. On voit d’après cela quel secours incertain la morphologie nous apporte pour caractériser les différences sexuelles et établir leur hiérarchie. Faute de posséder « l’électroscope sexuel », qu’a rêvé Le Dantec, Blakeslee s’est contenté d’affecter du signe + la série des cultures vigoureuses de chaque espèce de Mucorinée à deux sexes, en attribuant le signe – à la série opposée.

Des tentatives de croisement ont été faites entre des individus d’espèces différentes, appartenant ou non à la même série. Ces essais n’ont jamais abouti à la production de zygospores, mais ils ont au moins montré que jamais les individus de même signe, quelle que soit leur espèce, ne présentent aucun symptôme de réaction sexuelle lorsqu’on les cultive en mélange, tandis que des individus de signe opposé et d’espèces différentes peuvent au moins former, là où ils se rencontrent, des pseudo-gamètes qui s’accouplent sans se fusionner. Il paraît donc y avoir quelque chose de commun à toutes les séries de même signe qui définit leur sexe en général, indépendamment de l’espèce, et le différencie du sexe des séries de signe opposé.

La zygospore des Mucorinées germe habituellement en donnant un sporange qui peut contenir des milliers de germes. Blakeslee a cherché, par culture de ces germes, le signe des descendants d’une même zygospore, des produits d’une même union. Les résultats sont divers suivant les espèces étudiées. Dans certains cas une zygospore donne toujours naissance à des individus d’un même signe, chaque union produit une famille unisexuée. Un cas plus intéressant est celui où le sporange issu d’une zygospore donne des germes pouvant produire des individus +, des individus – ou des hermaphrodites dont la