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CHRONIQUE

récentes de Blakeslee[1] sur la reproduction des Mucorinées ont fait connaître un cas particulier de sexualité chez les plantes, qui est des plus intéressants à divers points de vue.

Les Mucorinées sont, comme on sait, des moisissures vivant sur les crottins et sur d’autres matières organiques en décomposition où elles forment un lacis de filaments fins comme des fils d’araignée (mycélium) sur lequel se dresse une forêt de filaments aériens terminés par des vésicules (sporanges) remplies de spores microscopiques. Au moment de la reproduction sexuelle deux filaments mycéliens s’accroissent l’un vers l’autre ; leurs pointes accolées, dont chacune s’isole par une cloison du filament qui la supporte, sont les gamètes qui produisent en se fusionnant une sorte d’œuf multinucléé qu’on nomme zygospore C’est un cas classique de reproduction sexuelle par l’union de deux gamètes identiques. Le fait nouveau dont la découverte était inattendue est que, chez la plupart des espèces de Mucorinées, ces gamètes identiques se forment sur des individus différents.

Pour les espèces où ce phénomène existe, les cultures pures obtenues par semis d’une seule spore, qui peuvent être considérées comme autant d’individus autonomes, ne montrent jamais aucun phénomène de reproduction sexuelle ; les gamètes et les zygospores n’apparaissent que dans les cultures mélangées, aux endroits où se rencontrent des filaments mycéliens d’origines différentes. Les résultats des expériences de mélange permettent de répartir en deux séries l’ensemble des cultures pures de mycélium d’une espèce, de telle manière que les cultures de chaque série aussi bien isolées que réunies deux à deux restent toujours sexuellement stériles, tandis qu’elles produisent des zygospores au contact d’un mycélium quelconque provenant des cultures de la série opposée.

On doit donc admettre chez ces Mucorinées l’existence de deux sexes ; mais, avec nos conventions actuelles de langage, il reste impossible de distinguer des mâles et des femelles. Le critérium habituel de cette distinction est en effet la différence des gamètes producteurs de l’œuf, le gamète mâle s’opposant par sa petitesse et sa mobilité au gamète femelle volumineux et immobile. Chez nos Mucorinées ce critérium est inapplicable puisque les gamètes sont semblables. Si tant est qu’il existe là des mâles et des femelles comparables à ceux du plus grand nombre des êtres vivants, il faudrait pour les distinguer avoir cet étalon impersonnel du sexe dont parlait F. Le Dantec dans un article récent de la Revue[2], cet instrument qui, mis en pré-

  1. Sexual reproduction in the Mucorineæ, Proc. Am. Acad. XL. 1904 et Zygospore germinations in the Mucorineæ, Annales mycologici, IV. 1906.
  2. Livraison du 10 mars 1906. Tome I. p. 292.