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LA REVUE DU MOIS

dans les livres. Le fait est qu’il manifesta quelque répugnance pour les exercices scolaires usuels, et un manque complet de brillant et de vitesse dans l’accomplissement des tâches automatiques ; le reproche de lenteur exagérée lui fut adressé souvent au cours des tentatives faites pour le diriger dans les voies ordinaires.

Il vint assez tard, et dans des leçons particulières, aux mathématiques, qu’il accueillit avec enthousiasme, cherchant à creuser de lui-même les coins qui lui plaisaient. Mais séduit avant tout par la réalité, par les faits qu’il voulait comprendre, il ne consentait à appliquer ses facultés remarquables de représentation abstraite, dont nous verrons des exemples plus loin, qu’aux questions dont il saisissait clairement l’utilité. Rarement un esprit jeune fut autant que le sien rebelle à l’assimilation passive de choses et d’idées dont il n’avait pas une clarté complète et dans tous les sens. Il sut de bonne heure se garder intellectuellement propre et clair, ne permettant l’accès de sa raison qu’à la saine et vive lumière ; il eut de façon simple et naturelle le courage de connaître et de dire ce que son esprit ne comprenait pas, et de se soustraire à la puissance toxique des vérités indigérées.

Au cours de ses recherches de physicien, il se trouva progressivement conduit à développer beaucoup sa culture mathématique déjà très profonde et il le fit avec la souplesse et l’aisance d’un esprit n’obéissant qu’à la force intérieure de son évolution spontanée, ne s’encombrant pas prématurément de surcharge inutile, mais assimilant sans effort quand le besoin s’imposait.

Le soin constant de garder sa raison contre les atteintes du vague ou de l’obscur impliquait une vie intérieure très intense, une jeunesse plus contemplative que remuante ou active, avant qu’il fût arrivé à l’entière maîtrise de lui-même. Comme tous ceux qu’un idéal tourmente, il connut avant d’en approcher comme il parvint à le faire, les inquiétudes et les doutes. Il a laissé vers sa vingtième année, dans quelques notes intimes, la trace de ses luttes contre ce qu’il appelait sa faiblesse mentale. Il souffrait de ne pas se sentir immédiatement égal à la tâche qu’il s’était imposée, de se voir constamment attiré et distrait de sa contemplation par les mille séductions de la vie extérieure si puissantes à son âge. Il s’observait de manière aiguë dans