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LA REVUE DU MOIS

un temps considérable dans les écoles parce que la théorie se comprend plus vite lorsque la pratique a fait préalablement apprécier la valeur relative des erreurs ou des unités, et il procure à bord un personnel ignorant au début la pratique de son métier et ne l’apprenant qu’à la longue, sans que l’instruction des écoles soit pour cela d’un grand secours. Par sa stabilité, il favorise, dans chaque service, l’ingérence de plusieurs spécialités ce qui rend très indécise la limite des responsabilités, car si la vitesse d’un tir, par exemple, est trop lente, cela peut aussi bien tenir au pointeur du canon, qui est canonnier, qu’au pointeur de la tourelle, qui est mécanicien.

Il empêche de plus la mise en valeur complète du personnel, puisqu’on néglige dans son instruction le côté industriel qui est un des plus nécessaires dans la marine moderne ; et cette diminution de rendement du personnel ne se manifeste pas seulement dans l’utilisation incomplète de chaque homme, mais aussi dans les attributions trop exclusives de chacun d’eux, ce qui crée entre tous une certaine jalousie nuisible à la cohésion des équipages et à leur communauté de sentiments. Enfin la spécialisation à outrance provoquée par la stabilité des esprits nécessite souvent la présence de deux hommes là où un seul suffirait, d’où excès de dépenses dû à l’augmentation inutile des effectifs, et c’est là une question primordiale pour la marine et qui devient de plus en plus pressante depuis la guerre russo-japonaise.

Si la marine a le tort d’avoir des écoles défectueuses, elle encourt aussi le reproche de n’avoir pas toutes les écoles nécessaires, et nous voulons parler ici de l’instruction vraiment trop insuffisante des sous-officiers. Cette lacune est encore une conséquence de la stabilité des esprits maritimes, car les officiers n’ont fait que suivre lentement l’évolution moderne sans pouvoir la précéder parce que leur instruction croissait moins rapidement que les progrès scientifiques, de sorte que leur rôle s’est borné à modifier les écoles existantes, et encore très lentement, mais sans jamais en créer de nouvelles en prévision des nécessités imminentes ; de plus la mésestime portée sur la valeur intellectuelle des équipages a fait que la marine a maintenu son vieux principe de former des sous-officiers sans instruction