méthodiquement les équipages pour se convaincre très vite de leurs capacités intellectuelles et de leur facilité d’assimilation. Le parti qu’on pourrait tirer de ces cerveaux de vingt ans serait considérablement accru si on en connaissait la perfectibilité, mais la marine n’est entrée dans cette voie que pour le corps nouveau des mécaniciens dont je parlerai plus loin, et elle ne s’est pas encore rendue à cette évidence que les marins illettrés d’autrefois ont cédé la place à une génération de jeunes gens dégrossis par l’instruction obligatoire. Quoi qu’il en soit, voulant, par tempérament, donner un enseignement théorique à des hommes dont elle méconnaissait l’instruction primaire, elle fit appel à celle de leurs facultés intellectuelles qui lui parut la plus exploitable, à savoir la mémoire. Aussi les programmes des écoles se ressentent-ils de ces tendances, soit par une abondance de nomenclatures inutiles et de descriptions ardues, soit par des aperçus théoriques rendus infructueux par l’absence de l’entraînement intellectuel qu’ils comportent. Ainsi, pour citer quelques exemples, je dirai que le manuel du gradé canonnier comporte la description de l’appareil de pointage Deport qui n’est jamais employé à bord ; il comporte aussi l’explication d’appareils nécessaires à connaître, tels que les affûts hydrauliques, les machines de pompage ou les monte-charges électriques, mais cette explication ne dérive nullement des considérations rationnelles qui devraient la motiver, et de plus l’emploi à bord des appareils décrits est illogiquement supprimé aux canonniers pour être dévolu à des gens réputés plus techniques de sorte qu’on ne voit pas pourquoi leur apprendre des mécanismes si on admet qu’ils ne doivent pas s’en servir.
Le manuel du canonnier proprement dit fourmille de descriptions de fermetures de culasse, d’affûts et de leurs engins de manœuvre : or, le breveté n’aura à utiliser que très peu de ces appareils, et il en connaîtrait beaucoup mieux le fonctionnement en l’apprenant sur le bâtiment qui en est muni, plutôt qu’à l’école de canonnage qui ne les possède pas toujours. Le manuel du fusilier comporte des règlements sur le service des places ou sur la comptabilité du matériel, toutes choses qui n’ont pas d’utilité pour le breveté ; le manuel du torpilleur décrit les torpilles dormantes et vigilantes alors qu’elles sont du ressort d’un personnel spécial attaché aux défenses fixes : toutes les notions électriques contenues dans ce manuel sont, en outre,