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Sur Casanova

Il est très facile, quoique des tonnes de livres et d’articles semblent avoir épuisé le sujet, d’écrire du nouveau sur Casanova. Il suffit, en vérité, de le juger en fonction de son temps ; tout le monde, en effet, comprend le rire de Seingalt comme un homme d’aujourd’hui. Qu’on le traite de faquin ou de vantard, de chevalier d’industrie ou de bas escroc — ce sont épithètes courantes — c’est toujours à la morale actuelle qu’on se réfère. Or, il n’est pourtant pas douteux que le xxe siècle diffère beaucoup du xviiie dans sa façon de comprendre la vie et le comportement légitime de l’homme social à l’égard de ses semblables. D’où l’étrange malentendu, qui se prolonge ; et que confirment toujours les admirateurs mêmes de Giacomo Casanova. Ceux-ci, à les regarder déborder de respect et ensemble mépriser leur héros favori, font penser à ces grands seigneurs ou millionnaires que seul réjouit l’amour des souillons, et qui déguisent pour l’amour leur femme en cuisinière… Je voudrais définir un peu plus nettement qu’on ne l’a fait jusqu’ici la figure attachante de ce bon Casanova.

Et tout d’abord, après une vue d’ensemble des Mémoires, faut-il tenir leur auteur pour une canaille ?

La question est d’importance. Lorsqu’on aborde n’importe quel auteur, une attitude intellectuelle