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La tentative est heureuse et nous lui souhaitons toute la diffusion possible[1].

Faut-il le dire, cependant ? Nous ne croyons pas que l’expansion de l’art moderne puisse s’opérer par des solutions aussi radicales. Question d’argent, d’abord. On a ses vieux meubles, qu’on ne peut pas toujours renouveler d’un seul coup. Question de goût, ensuite. Chacun de nous aime présider lui-même à son arrangement intérieur, à choisir ses meubles, à les grouper selon ses habitudes journalières, à rechercher des harmonies ou des contrastes de couleurs à son idée. Puis, un amateur qui ne craindra pas d’introduire dans son « home » des meubles édités par le commerce,
E.-M. Sandoz. — Condor.
Marbre noir.
à condition qu’ils ne portent pas tous la même étiquette d’origine, ne voudra pour rien au monde d’une salle à manger ou d’une chambre à coucher « toutes faites » qu’il retrouvera chez ses connaissances de Paris ou de province, voire de l’étranger. Autant revenir à la salle à manger Henri II ou à la chambre à coucher Louis XV du « faubourg ». Elles marquent moins.

Qu’on y prenne garde. Il y a là une lacune à combler aux prochains Salons. Maintenant que les ensembles ont fait leurs preuves, que l’art moderne a droit de cité, il faut multiplier les meubles isolés. Il faut offrir aux acheteurs une variété de sièges, de bureaux, de bibliothèques, de tables, où leur choix puisse librement s’exercer. C’est une utopie de prétendre faire entrer d’un seul bloc le mobilier nouveau dans nos intérieurs pour en chasser les meubles de style ou les anciens. Il faut l’introduire pièce a pièce, morceau par morceau[2] Ainsi se sont produites toutes les

  1. Les prix, sans être « bon marché », sont cependant abordables.
  2. On s’étonne, aux Salons, de ne pas voir le talent des décorateurs s’appliquer à des meubles d’usage absolument moderne : appareils de téléphone, phonographes, carrosseries d’automobiles, cages d’ascenseurs. L’originalité des modèles découlerait nécessairement de l’usage nouveau auquel ils sont destinés.