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des artistes qui ne doivent rien à J.-B. Huet ! C’est de l’art moderne et du meilleur.

Pourquoi nos tapissiers ne font-ils pas plus souvent appel à la toile peinte ? Son tissu complaisant se prête à toutes les recherches, à toutes les fantaisies. Son aspect séduit et engage. En choisissant des fonds garnis, sa propreté est pour ainsi dire sans limite. Elle offre enfin l’avantage inappréciable, même dans ses modèles de choix, de rester à la portée de tous. Des lambris à panneaux de cuivre ingénieusement repoussé par M. Gallerey, des revêtements de grès dessinés par M. Lalique et exécutés à la Manufacture de Sèvres, ressemblent trop à des pièces d’exception. Nous nous y arrêtons, comme devant des vitrines de musée, sans aucun désir de possession.

Et nous voici ramenés à la question d’argent, au prix redoutable de vente qui fait le fond de l’éternel débat entre le mobilier moderne et le mobilier de style, voire le mobilier ancien. Des meubles comme ceux du Pavillon de Marsan peuvent-ils être achetés par tout le monde, ou sont-ils réservés aux mécènes de l’art moderne, si peu nombreux, hélas ! qu’on pourrait les nommer ? La vie moderne a ses exigences. La Parisienne qui accepte les yeux fermés les créations les plus osées des princes de la couture, — quelle leçon de discipline commune dans cet accord des couturiers pour le lancement des formes nouvelles ! — devient terriblement « regardante » quand il s’agit de son ameublement. Elle exagère la prudence : elle deviendrait volontiers parcimonieuse. Ecoutez plutôt Mme Marcelle Tinayre, qui ne nous en voudra pas de mettre à son compte quelques-uns des raisonnements de sa snobinette :

« Ces jolis meubles coûtent cher. Ils ne sont pas entrés dans la grosse fabrication du faubourg Saint-Antoine. Leur prix dépasse mon budget. Allons chez les antiquaires.

— Mais les meubles anciens, les vrais, coûtent plus cher que les meubles neufs ?

— Je le sais, ils coûtent plus cher, mais ils gardent leur valeur, tandis que vos meubles modernes seront peut-être démodés et ridicules dans trois ans. Les anciens sont des valeurs de tout repos : les modernes


    de cent planches en couleurs que nous venons de publier sous le titre de : La Manufacture de Jouy (1760-1845), Versailles, Bourdier, éd.