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palais du Podestat de Florence et à l’Arena de Padoue, et par ses successeurs immédiats, les retables sur le même sujet des van Eyck et de leur suite ; les gravures plus récentes du « Maître de 1466 » et de Martin Schön. Qu’on ait ce fait bien présent qu’une part considérable est faite, dans les Mystères, aux épisodes de « diablerie », terrifiants ou égayants. Qu’on se souvienne encore des contagions de la sorcellerie au xve siècle, du trouble et des fausses croyances qu’elles engendraient et des répressions auxquelles elles donnaient lieu. Enfin, qu’on ne perde pas de vue le goût septentrional pour les expressions phénoménales singulières. On reconnaîtra que le genre fantastique répond à des traditions bien constatées, évoluant avec les idées de la foule, et que son aboutissement en un talent d’artiste aussi prédestiné que celui de Jérôme Bosch à des données pareilles est assez naturel.

Bosch a peint, probablement plusieurs fois, le Jugement dernier, la Chute des anges rebelles, la Descente du Christ aux limbes, les Péchés capitaux, la Tentation de saint Antoine. Ces œuvres ont laissé des traces en des textes ; certaines se sont conservées en original ; presque toutes ont eu des répliques, des copies ou des imitations, dont beaucoup se retrouvent, et plus d’une a tenté le burin des graveurs, spécialement dans l’officine anversoise de Jérôme Cock. Les informations ne nous font donc pas défaut, bien que l’intervention des copistes soit une grande cause de trouble pour l’étude et la connaissance précise de ce cycle de productions du maître. On voit, au musée de Vienne, un triptyque du Jugement dernier, longtemps mis sous son nom et regardé par des érudits comme une réplique de la peinture exécutée en 1504 pour Philippe le Beau. La découverte d’une lettre gothique, prise d’abord pour la lettre M, fit penser à un monogramme de Jan Mandyn, à qui l’on crut devoir attribuer le triptyque. Depuis, on a constaté que l’œuvre ne répond pas à la facture de l’unique tableau connu et signé de Mandyn, à la galerie Corsini de Florence ; que la fameuse lettre M est un B renversé et qu’elle se rencontre communément tracée, comme elle l’est ici, sur une lame de couteau en d’autres compositions réputées de Bosch, par exemple les Sept péchés capitaux, le Chariot de foin et les Délices terrestres de l’Escurial. Y faudrait-il reconnaître un monogramme de Bosch lui-même ou toute autre chose qu’un monogramme ? Toutes les hypothèses ont le