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gravures qu’on lui attribue sont douteuses. Alexandre Pinchart les estime de la main du graveur-architecte Alart du Hammeel, dont la carrière s’est faite à Bois-le-Duc, à Louvain et à Anvers[1]. Jérôme Cock, le peintre-graveur éditeur d’estampes anversois, a publié bon nombre de planches, notamment du burin de Pierre de Mercia, reproduisant de ses compositions. Maints artistes s’en sont inspirés, le vieux Breughel en tête. Au rapport de Philippe de Guevara, par qui d’importants ouvrages de Bosch passèrent en Espagne, l’artiste avait un élève adroit à pasticher sa manière et qui n’hésitait pas à signer ses pastiches du nom du maître pour mieux les vendre[2]. En réalité, nous verrons plus loin que les pasticheurs et les continuateurs de Hieronymus sont légion, mais qu’ils ont eu la plus grande action sur le développement de la peinture flamande.

L’auteur du Schilderboeck nous spécifie judicieusement le goût et certains procédés du maître. Bosch a peint à l’huile et en détrempe. Ses œuvres traitées par ce second moyen ont, malheureusement, succombé au temps et surtout à l’acharnement des restaurateurs. D’une façon générale, il enlève ses morceaux largement, souvent du coup. Il conserve l’usage ancien de tracer complètement ses compositions sur le blanc du panneau et de revenir ensuite, par une légère teinte transparente pour les carnations, attribuant une part considérable dans l’effet aux « dessous ». Il rompt à la tradition des draperies à cassures multipliées. Ses inventions de démons, spectres et monstres infernaux étonnent l’écrivain qui les juge « moins agréables que terrifiants ». Mais Karel nous donne aussi quelque aperçu des tableaux qu’il a pu voir de l’artiste et rien n’est plus instructif. C’est une Fuite en Égypte où Joseph demande son chemin à un paysan. « Au fond est un rocher de forme fantastique, disposé comme une hôtellerie, avec de curieux épisodes, tels que le jeu d’un ours qu’on fait danser pour de l’argent. » C’est un Enfer comportant la descente du Christ aux limbes pour la délivrance des patriarches et une scène de Judas cherchant à s’échapper et pris au cou par une corde à nœud coulant et pendu. « On voit là les monstres les plus étranges. Il faut admirer l’art du peintre à rendre la flamme et

  1. En dehors du Schilderboeck et des commentaires de M. H. Hymans, dans l’édit. française, Cf. Pinchart : Jérôme van Acken et Alart du Hammeel, Bulletin de l’Académie royale de Belgique (1838) et Archives des sciences, lettres et arts de Belgique.
  2. Commentarios dlla pintura, Madrid, 1787.