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LES OMBRES


« L’historien des mœurs (comme Balzac, auteur de Seraphita, appelle le romancier) ne saurait demeurer indifférent à un fait aussi considérable pour l’évolution féminine que ce renouveau intense du « Séraphitisme ».
Marcel Prévost


Les Ardriers, le 23 août 1919. 10 heures du soir.



J’ai peur, affreusement peur, délicieusement peur.

Je suis seule, sous la tonnelle, au fond du jardin. J’écris sur un guéridon de pierre, à la lueur jaune d’une lanterne. J’écris mal, non parce que la lumière est insuffisante, mais parce que ma main tremble.

Tante doit être couchée depuis un bon moment déjà ; dans la cuisine, Estelle, notre vieille servante, range la vaisselle ; François, son mari, a fumé sa pipe et s’est assoupi.

Je suis seule avec Phanor, mon jeune épagneul qui rêve à côté de moi, le museau sur ses pattes. Je n’entends plus le