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railleuse, ricanante. Et vous sentez votre foi hésiter, et votre cœur faiblir ; et le doute, père des défections, sourdre dans vos cerveaux douloureux.

Et voilà comment, vous, vaillant Tiers-État, initiateur de la Révolution, vous, hardie Bourgeoisie, protagoniste de la République, vous êtes sur le point de douter de la République et de la Révolution, de glisser aux résipiscences et aux palinodies, et de rentrer tout confus au giron catholique.

Eh bien, non, nous ne vous laisserons pas commettre ce suicide ! Nous vous parlerons, et vous nous entendrez.

On vous dit : Le verdict de la Science contredit radicalement la devise de la Révolution. La naïve illusion révolutionnaire n’a donc qu’à s’effacer au plus tôt devant la terrible certitude scientifique.

Voilà ce qu’on vous dit.

A notre tour nous vous disons : On vous trompe ! n’en croyez rien ! Repoussez ce pessimisme. Ne donnez pas dans cette panique vulgaire des faibles cœurs. Voyez : en aucun lieu du globe les hauts esprits ne se laissent ébranler. Ils restent impassibles. Ils s’obstinent à avoir foi. Ils en appellent tranquillement de la Science mal informée à la Science mieux informée. Ils en appellent des conclusions hâtives d’une Science anarchique aux conclusions mûries d’une Science organisée. En un mot, ils en appellent de la Science hagarde d’aujourd’hui à la Science sereine de demain.

Oui, nous vous l’affirmons, nous qui le savons : de la souriante Utopie du xviiie siècle, et de la Science sinistre du xixe, c’est la première, en dépit de tout, qui aura le dernier mot.

Et pour réduire le débat à quatre termes : de la fausse Science d’aujourd’hui qui prétend nous montrer dans l’Univers un Antre et dans l’Homme un Fauve, nous en appelons énergiquement à la vraie Science de demain qui, elle, saura voir et faire voir, dans l’Univers. un Temple et dans l’Homme un Juste !

Un Fauve dans un Antre, ou un Juste dans un Temple : voilà donc nettement le débat.

Ce débat, non seulement nous l’acceptons, mais nous le provoquons. Et nous le provoquons avec tranquillité. Car nous sommes sûr. La « foi » n’est pas toujours ce que notre époque imagine, à savoir une croyance gratuite et niaise. La vraie « foi » est un pressentiment et une pré-possession.

Voilà le vrai jour, à notre avis, sous lequel il faut présenter la Science à la Bourgeoisie française contemporaine, aux quatre groupes de la Bourgeoisie que nous avons appelés : les Professionnels et les Mondains, les Catholiques et les Libres Penseurs.

{{d|{{sc|J. B. (La fin prochainement.)



DEUX DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS A FRÈRE RICHARD ET A JEANNE D’ARC

Un jeune archiviste paléographe, M. Bougénot,

chargé par M. le ministre de l’instraction publique et des beaux-arts d’une mission à Vienne, a trouvé à la Bibliothèque impériale de cette ville deux documents inconnus jusqu’à ce jour dont le Comité des travaux historiques a eu la primeur il y a quelques jours, grâce à un rapport verbal très favorable présenté par le président de la section d’histoire et de philologie de ce Comité, notre éminent confrère M. Léopold Delisle. . Le premier, qui n’est qu’un simple extrait d’un registre aujourd’hui perdu du Parlement de Poitiers, concerne Frère Richard, l’un des personnages les plus curieux de l’entourage de la Pucelle pendant la seconde moitié de l’année 1429. En présence des affirmations contradictoires des chroniqueurs, plusieurs historiens se sont demandé si le célèbre prédicateur populaire appartenait à l’ordre des Auguslins ou à cclui des Franciscains de l’Observauce, dits vulgairement Cordeliers. 1] résulte de l’extrait découvert à Vienne’ par M. Bougenot que Frère Richard était Cordelier ct qu’il habitait, dans les premiers mois de 1431 du moius, le couvent de son Ordre à Paitiers :

Le vendredi vingt-troisième jour de mars 1431 (nouveau style), les vicaires de l’évêque de Poitiers et l’inquisiteur de la foi ant dit 8 la Cour séant à Poitiers qu’ils avaient ordonné et donné leurs lettres pour faire défense à Frère Richard, de l’Ordre des Frères Mineurs, de s’entremettre de quelque fuit de prédication, et pour qu’it soit arrêté en l’hôtel du couvent du dit Ordre à Poitiers. Et ont les ditsvicaires et inquisiteur requis à la Cour qu’elle ÿ donne son aide et confort. Et aussi pour ce que icellui Frère Richard n’est venu devers la Cour qui l’a mandé, : icelle Cour à ordonné qu’après les dites défenses et arrêts faits it en soit donné lecture au dit Frère Richard. Et en confirmant les dites mesures, il lui sera semblablement défendu de pur la Cour de faire fait de prédication et de partir du dit couvent, où il devra tenir arrêt jusqu’à ce qu’il en soit autrement ordonné (4). ’

De quelle nature élaient done ces prédicalions qui poussaient les vicaires épiscopaux de Poitiers et l’inquisiteur de la foi, gardiens si jaloux des privilèges de la justice ecclésiastique, à recourir à l’intervention du Parlement, c’est-à-dire de la cour souveraine en fait de justice séculière ? Un appel aussi insolite donne lieu de supposer que le gouvernement de Charles VII pouvait n’être pas plus ménagé par le fougueux Franciscain que l’Église elle— même : et comme ce gouvernement ne faisait rien pour la Pucelle, prisonnière à Rouen des Anglais, qui depuis deux mois et demi instruisaient son procès, on est amené à se demander


(1) Biblipthèque impér. de Vienne, ms, 6959, fe 71. : TP.