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intéressants. Lécr… vous parlera aussi de la Belgique déshabillée.

« Tout ce que vous a débité là-dessus L… est radicalement absurde.

« Aucun journal, c’est vrai, aucune revue même, ne peut prendre ce livre total ; seulement peut-être quelques fragments descriptifs. Il faut qu’il paraisse, neuf et entier, chez un éditeur. Il n’est pas d’éditeur assez bête pour ne pas comprendre le programme minutieux que je vous ai envoyé. Il n’est pas d’éditeur assez bête pour ne pas comprendre que la condition que j’impose (paiement du livre quart par quart) est la meilleure garantie de mon activité. (C’est pour pouvoir finir le livre en France.)

J’accepte volontiers le secours de M. N… (Lécr. n’est pas de cet avis) et je l’en remercie d’avance. Si M. N… avait lu plus attentivement mon programme, il aurait vu une ligne qui répondait à sa pensée : que l’impiété belge est une contrefaçon, résultat de l’enseignement des réfugiés français. Quant aux lignes malhonnêtes et injurieuses qu’il accole au nom de Victor Hugo, j’en pense encore bien plus long que lui. Mais je ne puis pas le dire.

Souvenez-vous que la Belgique déshabillée est un croquis très grave, très sévère, de suggestion sévère, sous une apparence bouffonne à l’excès quelquefois. Je suis convaincu que l’éditeur, auquel vous montrerez cet abrégé de l’ouvrage, ne s’y méprendra pas.

C. B.


C’ÉTAIT…
Nouvelle.


I


Le riche marchand Laurent Petrovitch Kochevirov, étant célibataire et n’ayant point de famille, était venu à Moscou pour se soigner d’une maladie ; et comme sa maladie était d’un caractère particulièrement intéressant, les médecins l’avaient admis dans la clinique de l’université. Il avait laissé en bas, chez le portier, sa pelisse et la malle qui contenait ses effets ; et, dans la chambre du premier étage où on l’avait ensuite conduit, il avait encore dû se débarrasser de ses vêtements et de son linge, qu’on avait remplacés par une robe de chambre grise, et du gros linge où se trouvait marqué, à la pierre infernale : Chambre no 8. On lui avait donné aussi une paire de pantoufles, en échange de ses bottes. Mais la chemise qu’on lui avait réservée se trouva être trop étroite pour lui, et l’infirmière fut obligée d’aller lui en chercher une autre.

— Dieu ! comme vous êtes grand ! dit-elle en sortant de la salle de bains où avait lieu l’essai des vêtements et du linge.

Laurent Petrovitch, à demi nu, attendit patiemment et humblement le retour de l’infirmière. Baissant son énorme tête chauve, il considérait avec curiosité sa forte poitrine, qui pendait en avant comme celle d’une vieille femme, et son ventre, que la maladie avait ballonné. À Saratov, où il demeurait, Laurent Petrovitch allait au bain tous les samedis, ce qui lui fournissait l’occasion d’examiner son corps ; mais à présent ce corps, tout secoué de petits frissons de froid, ce corps jaune et boursouflé lui apparut sous un aspect nouveau, d’autant plus pitoyable qu’il s’accompagnait encore d’une apparence générale de vigueur et de solidité. Au reste, tout en lui avait changé, dès l’instant où on lui avait retiré son vêtement ordinaire : c’était comme si, dès ce moment, il eût cessé de s’appartenir, prêt à faire tout ce qu’on voudrait bien lui commander.

Puis l’infirmière revint avec le linge ; et bien que Laurent Petrovitch conservât encore assez de force pour être capable de faire tomber cette femme en la touchant d’un seul doigt, il se laissa habiller par elle avec une obéissance parfaite. Avec la même obéissance il attendit, courbé en deux, que l’infirmière eût achevé de nouer le ruban qui fermait le col de la chemise. Après quoi il la suivit de nouveau dans la chambre où il allait désormais demeurer. Et, de ses lourdes jambes d’ours, il marchait lentement et timidement, comme un enfant que son père emmène pour le mettre en pénitence. Sa nouvelle chemise lui semblait trop étroite, de même que l’autre ; elle le serrait aux épaules, en marchant, et il l’entendait craquer ; mais il n’osait point le dire à l’infirmière, bien que chez lui, à Paratov, il fût accoutumé à faire trembler ses dix commis d’un seul de ses regards.

— Tenez, voici votre place ! lui dit l’infirmière en lui désignant un petit lit très haut, auprès duquel se trouvait une petite table. C’était, en vérité, une bien petite place, et reléguée dans un des coins de la chambre : mais elle n’en plut que davantage à un homme cruellement fatigué de la vie. Sans bruit, avec des mouvements inquiets et rapides, Laurent Petrovitch ôta sa blouse, ses pantoufles et se mit au lit. Et, dès cet instant, tout ce qui le fâchait et le préoccupait quelques heures auparavant s’effaça de lui, lui devint étranger et indifférent. En une seule image, soudaine et précise, s’évoqua à sa mémoire toute sa vie des années précédentes. Il revit la marche impitoyable de sa maladie, minant de jour en jour son énergie physique et morale ; il revit son affreux isolement parmi une foule de cousins avides, dans une atmosphère de mensonge, de haine, et de