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Si tu m’aimes…


Les poursuites ridicules exercées contre de vieux journalistes, l’honneur et l’argent du métier ! de scandaleuses condamnations jetant les uns à Mazas et obligeant les autres à fuir en cédant, au pied levé, la direction de leurs feuilles sont cause que, dans le monde nouveau de la presse, toutes les bonnes traditions se perdent.

Une chose honteuse vient, en effet, de se passer :

Les journaux n’ont pas craint de donner leur publicité à un fait, d’ailleurs banal ; mais que le patriotisme le plus élémentaire obligeait à passer sous silence — il s’agissait d’un soldat martyrisé par ses chefs jusqu’à ce que mort s’en suive.

Il n’aurait pas imprimé ça, lui, le Vétéran, Edmond Magnier.

L’honneur s’en va.

★★

Mais si l’argent reste encore un peu, si les affaires sont les affaires, celles du Lord Mayor ne suffisent pas à remplir le journal. De sorte qu’en cette période estivale, où chôme la copie, les feuilles publiques accueillent, sans scrupules, les histoires les plus scabreuses.

Les bons citoyens, les hommes sereins essaieront de se consoler en se disant que, si les théâtres étaient rouverts, nous n’aurions sans doute pas su l’édifiante malaventure de ce chasseur Chédel tué, avec d’habiles lenteurs, par son caporal aidé d’un sergent lequel était encouragé par un lieutenant — encouragé manu militari.

La publication de ce fait si peu divers de ceux qui se passent couramment n’en reste pas moins déplorable :

La presse a fauté.

★★

Un organe que le temps et la fréquence des rapports officieux ont rendu sans passion, le Petit Journal, s’exprime avec candeur.

L’organe dit :

« Chédel, épuisé, a été attaché à la crapaudine, dans une cellule où il faisait cinquante degrés de chaleur. Chédel se trouvait alors fort surexcité et dans un état de très grande fatigue. »

L’organe dit encore :

« Le caporal a bâillonné Chédel à trois ou quatre reprises ;