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choses que je désirais vous dire. J’ai grand'peur que ma lettre vous ait semblé froide — peut-être même dure ou égoïste — car je n’ai guère parlé que de mes propres peines. Pardonnez-moi, mon Hélène, sinon pour l’amour que je vous porte, du moins pour les peines que j’ai endurées – plus nombreuses, je crois, qu’il n’en est jamais échu à aucun homme. Combien n’ont-elles pas été aggravées par ma conscience que, dans beaucoup de cas, elles naissaient de ma coupable faiblesse ou de ma puérile folie ! Mon seul espoir maintenant est en vous, Hélène. Selon que vous me serez fidèle ou décevante, je vivrai ou mourrai…

Ma première impression, très chère Hélène, a-t-elle été juste ? – Vous savez que j’ai une foi aveugle en les premières impressions – a-t-elle été juste, oui, n’êtes-vous pas ambitieuse ? Alors, et si vous avez foi en moi, je peux satisfaire, et le veux, vos plus vastes désirs. Ce serait un glorieux triomphe, Hélène, pour nous – pour vous et moi.

Je n’ose pas confier mes projets à une lettre — ni, à la vérité, n’ai même le temps de vous les indiquer. Quand je vous verrai, je vous expliquerai tout – autant, du moins, que j’oserai expliquer tous mes espoirs même à vous.

Ne serait-ce pas « glorieux », chère, d’établir, en Amérique, la seule incontestable aristocratie – celle de l’intelligence – d’assurer sa suprématie – de la conduire et delà régler ? Tout cela je peux, Hélène, et veux le faire – si vous me l’ordonnez – et m’aidez…



À « Annie »

11 janvier 1849.

Il me semble qu’il y a si longtemps que je vous ai envoyé ma dernière lettre que je me sens condamné et que je tremble presque que vous ayez mal pensé d’Eddy… Mais ; non, vous ne douterez jamais de moi en quelque circonstance que ce soit, n’est-ce pas ? Il me semble que le Destin ne veut pas que nous nous rencontrions bientôt… Ô Annie, malgré toutes les peines du monde – malgré les tourments et l’injuste décri (si dur à porter) que m’a valu la Pauvreté depuis si longtemps — malgré tout cela – je suis si, si heureux… Je n’ai pas besoin de vous dire, Annie, de quel fardeau mon cœur a été allégé par ma rupture avec Mme W[hitman] ; car je me suis pleinement résolu a rompre l’engagement. Rien ne m’aurait détourné de ces fiançailles, sauf ce que je vous ai dit.

Écrivez-moi chaque lois que vous pourrez en trouver le temps, ne fût-ce qu’une ligne… Je commence à me tirer d’em-