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législation et le rituel. Par une telle éducation, le Juif ne perdit pas seulement toute spontanéité, toute intellectualité, il fit diminuer et s’affaiblir sa moralité. Les talmudistes tenant compte seulement des actes, actes extérieurs accomplis machinalement, et non d’un but moral, restreignirent d’autant l’âme juive et, entre le culte et la religion qu’ils préconisèrent et le système chinois du moulin à prières, il n’y a que la différence qui sépare la complexité et la simplicité. Si, par la tyrannie qu’ils exercèrent sur leur troupeau, ils développèrent chez chacun l’ingéniosité et l’esprit de ruse nécessaires pour échapper au filet qui saisissait impitoyablement, ils accrurent le positivisme naturel des Juifs en leur présentant comme unique idéal un bonheur matériel et personnel, bonheur que l’on pouvait atteindre sur la terre si on savait s’astreindre aux mille lois cultuelles. Pour gagner ce bonheur égoïste, le Juif, que les pratiques recommandées délivraient de tout souci, de toute inquiétude, était fatalement conduit à rechercher l’or ; car, étant données les conditions sociales qui le régissaient, comme elles régissaient tous les hommes de cette époque, l’or seul pouvait procurer les satisfactions que concevait la cervelle bornée et rétrécie. Ainsi, par lui-même et par ceux qui l’entouraient, par ses lois propres et par celles qui lui furent imposées, par sa nature artificielle et par les circonstances, le Juif fut dirigé vers l’or, et fut préparé à être le changeur, le prêteur, l’usurier, celui qui capte le métal, d’abord pour les jouissances qu’il peut procurer, puis pour l’unique bonheur de sa possession ; celui qui, avide, saisit l’or, et, avare, l’immobilise. Dans l’antijudaïsme, les causes sociales se mêlèrent donc aux causes religieuses, et la combinaison de ces causes explique l’intensité et la gravité des persécutions qu’eut à subir l’israélite.

En effet, que les Juifs détinssent des richesses, on le trouvait abominable, surtout à cause de leur qualité de Juifs. Contre le chrétien qui le spoliait et ne valait d’ailleurs ni plus ni moins que le Juif, le pauvre hère dépouillé ressentait moins de courroux qu’il n’en éprouvait contre le réprouvé israélite, ennemi de Dieu et des hommes. Le déicide déjà objet d’horreur étant devenu l’usurier, le collecteur de taxes, l’impitoyable agent du fisc, l’horreur s’aggravait ; elle se compliquait de la haine des pressurés, des opprimés. Les esprits simples ne cherchaient pas les causes réelles de leur détresse ; ils n’en voyaient que les causes efficientes. Or, le Juif était la cause efficiente de l’usure ; c’est lui qui, par les gros intérêts qu’il prenait, causait le dénuement, l’âpre et dure misère ;