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qui donna aux multiples peuplades qui s’agrégèrent en nationalités, l’unité qui leur manquait. Les Juifs, qui représentaient des dogmes contraires, ne pouvaient que s’opposer, soit par leur prosélytisme, soit même par leur seule présence, au mouvement général. Comme c’est l’Église qui mena ce mouvement, c’est de l’Église que partit l’anti-judaïsme, théorique et législatif. Les gouvernements et les peuples partagèrent cet anti-judaïsme que d’autres causes vinrent aggraver. Ces causes, l’état social et religieux et les Juifs eux-mêmes les firent naître ; mais elles restèrent toujours subordonnées à ces raisons essentielles, qui peuvent se ramener à l’opposition, déjà séculaire, de l’esprit chrétien et de l’esprit juif, de la religion catholique, universelle et internationale si l’on peut dire, et de la religion juive particulariste et étroite. Ce fut au fond, et en tenant compte des changements opérés, la même situation que dans l’antiquité païenne. Par le seul fait qu’ils niaient la divinité du Christ, les Juifs se posaient en ennemis de l’ordre social, puisque cet ordre social était fondé sur le christianisme, de même que jadis, à Rome, ils avaient été, avec les chrétiens eux-mêmes, les ennemis d’un autre ordre social, Au milieu de l’écroulement du vieux monde, au milieu des transformations radicales qui s’étaient produites, ce peuple ubiquiste des Juifs n’avait pas varié ; il avait prétendu garder, comme toujours, ses mœurs, ses coutumes, ses habitudes, et en même temps participer à tous les avantages que conféraient les états à leurs membres ou à leurs sujets. Or tous ces états, très hétérogènes au début, s’homogénéisaient ; ils marchaient vers une unité de plus en plus grande ; ils aspiraient dès le moyen âge à cette centralisation à laquelle ils arrivèrent plus tard. Ils étaient donc amenés à combattre les éléments étrangers, étrangers nationalement et dogmatiquement, soit que ces éléments vinssent du dehors, comme les Arabes, soit qu’ils subsistassent au dedans comme les Juifs. À ce moment de l’histoire, le combat national et le combat confessionnel se confondent. Avec la barbarie persistante du régime féodal, ce combat ne pouvait être qu’atroce, d’autant plus qu’il était instinctif plutôt que rationnel, surtout de la part du peuple, car l’Église, ou du moins la papauté et les synodes, procédèrent par raisonnement. Étant donnés ces principes généraux, nous allons voir comment ils agirent et de quelle façon ils influèrent sur les manifestations spéciales et particulières de l’anti-judaïsme. Pour cela il nous faut parler du rôle commercial et financier des Juifs, de leur action et de leur esprit.