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L’ANTISÉMITISME
AU MOYEN AGE

Au moyen âge, les Juifs s’établirent à mesure que le christianisme se répandit ; partout ils fondèrent leurs synagogues et ils organisèrent leurs communautés, à cette heure décisive où les nationalités sortaient du chaos, où les états se formaient et se consolidaient. Ils restèrent en dehors de ces grandes agitations, au milieu desquelles les races conquérantes et conquises s’amalgamaient et se liaient entre elles, et, au sein de ces combinaisons tumultueuses, ils demeurèrent en spectateurs, étrangers et hostiles aux fusions : tel un peuple éternel regardant surgir de nouveaux peuples. Toutefois, leur rôle ne fût pas nul, certes, car ils furent un des ferments actifs de ces sociétés en formation. En quelques pays, comme en Espagne, leur histoire est à tel point liée à celle de la péninsule, qu’on ne peut sans eux concevoir et apprécier le développement de la nation espagnole. Mais si, par la masse de leurs conversions dans cette contrée, par l’appui que tour à tour ils apportèrent aux différents maîtres qui en détinrent le sol, ils agirent sur sa constitution, ils le firent en cherchant à ramener à eux ceux au milieu desquels ils pénétraient et non en se laissant absorber. Cependant l’histoire des Marranes espagnols est exceptionnelle. Partout ailleurs, nous allons le voir, les Juifs jouèrent le rôle d’agents économiques ; ils ne créèrent pas un état social, mais ils aidèrent d’une certaine façon à son établissement ; et pourtant ils ne purent être traités avec bienveillance au milieu de ces organismes à la formation desquels ils contribuèrent, et cela pour une raison capitale. Tous les états du moyen âge furent pétris par l’Eglise ; dans leur essence, dans leur être, ils furent pénétrés des idées et des doctrines du catholicisme ; c’est la religion chrétienne