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du développement ; il a attribué à ces différentes particules des vertus représentatives, déterminatives, etc., analogues à celles que l’on rencontre dans le cerveau d’un homme très intelligent. Je développerai ailleurs les invraisemblances du système de Weismann ; je le signale seulement ici pour donner une idée du peu de méthode scientifique de ceux, et ils sont légion, qui ont considéré ce système comme ayant une grande valeur explicative, et pour montrer une fois de plus la nécessité d’introduire de la précision dans le langage des sciences naturelles.

Une des erreurs les plus répandues dans le système de Weismann est l’erreur téléologique : Pourquoi ceci est-il ainsi fait ? Parce qu’il faut que telle chose en découle ! La plupart des biologistes actuels et des meilleurs, Hertwig, Wilson, etc., exposent toute l’histologie en langage finaliste.

On a beaucoup discuté, récemment encore, la valeur scientifique de la Théorie des causes finales [1]. À mon avis, l’erreur téléologique est, elle aussi, une conséquence des raisonnements anthropomorphiques. De même que l’homme se croit libre et capable de commencements absolus, de même il a l’illusion que tous ses actes sont dirigés par le but qu’il poursuit et non par les événements précédant son activité. Souvent, en effet, par suite de l’expérience ancestrale, transmise et accumulée dans notre hérédité sous forme de ce que nous appelons notre logique, notre bon sens, par suite aussi de l’expérience individuelle dont nous savons tirer parti parce que nous sommes intelligents, nous pouvons prévoir, dans une certaine mesure, mais sous réserve de contingences, ce qui résultera de nos actes dans un avenir très rapproché ; et cette prévision partielle des faits qui découleront de notre activité entre comme un facteur important dans les associations d’idées dont notre cerveau est le siège. Voilà à quoi se réduit le finalisme humain ; c’est pour n’avoir pas réfléchi à son origine que nous avons été amenés à prêter à un être plus parfait que nous un finalisme plus parfait ; cet être plus parfait ayant pour faculté de tout prévoir ; nous l’avons appelé la Providence, et comme nous lui avons attribué la création du monde et des lois naturelles, nous avons été fatalement amenés à croire que ces lois sont calculées en prévision d’un but que s’est proposé la souveraine intelligence. Le langage humain est finaliste ; quand un fait se passe sous nos yeux, nous lui donnons le plus souvent comme raison d’être la conséquence qui en découle.

  1. SullY Prudhomme et Ch. Richet : Les Causes finales ; Paris, Alcan.