se lancer dans une lutte impie contre les choses les plus sacrées ! Leur seul crime est pourtant d’avoir cherché la vérité, mais cette vérité détruisait une erreur utile à trop de gens. C’est l’histoire du monsieur qui a un ulcère et ne veut pas qu’on le dise. L’Église a tourné toutes ses forces contre eux et a voulu en faire des anticléricaux dans votre genre, qui, par haine du clergé, acceptent volontiers les théories contraires à la doctrine chrétienne. Mais vous êtes, vous, et vous l’avouez avec une franchise qui vous honore, un anticlérical a priori ; les biologistes dont je vous parle, ont été, s’ils sont devenus anticléricaux, des anticléricaux a posteriori, comme l’aurait été Galilée s’il avait osé résister à la puissance établie. Ils ont été amenés à découvrir des vérités et ils les ont énoncées hardiment en gens sûrs d’eux-mêmes ; il faut un certain courage pour agir ainsi ; on dit que Buffon a eu l’idée du transformisme et ne l’a pas publiée par crainte du pouvoir établi.
» Mais quand on dit que les biologistes attaquent l’Église, on se trompe volontairement ; c’est l’Église qui combat les biologistes ; je vous le répète, c’est toujours l’erreur qui est la cause de la lutte parce qu’elle veut se maintenir ; la recherche scientifique est désintéressée ; la vérité est à tout le monde ; elle n’a jamais eu à combattre que lorsqu’elle a heurté une erreur préétablie ; mais c’est l’erreur qui a attaqué ; c’est au nom du respect dû à une vieille erreur que l’on a voué à la haine générale les auteurs des grandes découvertes biologiques.
— Que l’on soit anticlérical a priori ou a posteriori, répondit le médecin, cela m’est tout à fait indifférent ; les gens qui se trouvent côte à côte dans une bataille, ne se demandent pas, pendant l’action, pour quelles raisons ils ont été amenés à se battre ; ils savent seulement qu’ils ont un ennemi commun et ils se prêtent une mutuelle assistance. Vous ne pouvez pas m’empêcher d’avoir une sympathie plus grande pour les savants qui nous donnent des armes contre le parti obscurantiste !
— Au fond, dit Fabrice, cette sympathie n’est pas justifiée ; les savants ne font pas la vérité ; ils la cherchent et ils racontent ensuite ce qu’ils ont trouvé ; un savant digne de ce nom ne se préoccupe pas, au cours de ses travaux, de savoir si ce qu’il trouvera sera utile ou nuisible à tel ou tel parti ; il cherche la vérité et voilà tout, et vous ne lui devez aucune reconnaissance, je vous le répète, du fait que ses découvertes flattent ou non vos passions politiques. Les biologistes savent que leurs conquêtes récentes sont accueillies avec enthousiasme par les anticléricaux, mais, pardonnez-moi de vous le dire si nettement, cela leur est bien égal. Tant qu’un résultat ne leur paraît pas suffisamment établi, ils se préoc-