première fois, depuis le duel avec l’abbé, il se fendit et ramena vivement à lui Glodyte, comme on repêche une noyée.
Il la repêchait du sang de l’abbé et l’abbé tombait, à plat sur le dos, au fleuve, puis, par une réaction du choc, il culbuta en avant, exhibant d’abord sa tonsure, peu après son fond de culotte auquel les pans de sa soutane épanouirent une collerette de chérubin calciné.
Son sabre, chu sur le pommeau, restait debout à même une touffe de glaïeuls non encore fleuris, qui l’étayaient, et pareil à leurs feuilles.
L’abbé s’emplit. La bouteille, jetée après lui, flotta. Le dernier glouglou articulé qu’expira la bouche de l’aumônier fut :
— Au commencement, l’Esprit de Dieu flottait…
Autour de cette bulle pour centre, sur les eaux, des cercles s’élargirent jusqu’à ce que leur circonférence ne fût plus nulle part.
C’est ainsi que l’abbé Firmin-Éloi de Rayphusce fut du même coup, qu’il but des eaux, anabaptiste et canonisé.
La bouteille porteuse de parole, pareille à un grand ovaire de nénuphar ou à la mâchoire supérieure d’un crocodile, titubait franchissant ces cercles, et s’acheminant en aval, vers les hommes.
Du bout de sa pointe un peu faussée, comme un chiffonnier, de son crochet, cherche le fabuleux espoir d’un diamant perdu, lequel tâche à se refaire une gangue dans l’ordure, Erbrand Sacqueville vérifia si Jeanne Sabrenas n’était point parmi les morts. Il avait tâché, pourtant, de la laisser au delà de son cercle, de sa zone dangereuse.
Ce fut une dégoûtante besogne : sang et excréments posthumes — ne s’en vidaient-ils pas, les morts, pour se gonfler des Rêves de l’abbé ? Le méconnaissable de beaucoup de faces écrabouillées obligeait Sacqueville, pour vérification du sexe, à déboutonner des uniformes. Nous ne racontons pas cette besogne, bien qu’elle fût longue. Elle ne servit qu’à prouver à l’Exterminateur que tous ses morts étaient bien morts. L’aube s’annonçait à ce signe, que Sacqueville y voyait moins clair qu’auparavant. La lune s’effaçait, usée enfin des biffages de nuages. Il dépouilla sa chape de boucherie, faix raide de la libation du sang de tous les cadavres du champ. Il la jeta, et aussi sa culotte, dans la rivière, non point pour qu’elles devinssent, comme la « bouteille de confession » ou « le litre des péchés », des reliques pour les hommes, mais tout bonnement pour qu’à tremper, elles se pussent laver un peu toutes seules. L’éternel courant serait sa blanchisseuse.