Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/382

Cette page n’a pas encore été corrigée

l’existence de toutes les matières composées, brutes ou inorganiques qu’on observe dans la nature. »

Cette idée « que les corps vivants ont la faculté de composer eux-mêmes leur propre substance » ne contient-elle pas le germe de la définition actuelle de la vie par l’assimilation ?

Ailleurs, il donne aussi les bases véritables de la biologie scientifique (p. 377) :

« Si l’on veut parvenir à connaître réellement ce qui constitue la vie, en quoi elle consiste, quelles sont les causes et les lois qui donnent lieu à cet admirable phénomène de la nature, et comment la vie elle-même peut être la source de cette multitude de phénomènes étonnants que les corps vivants nous présentent ; il faut avant tout, considérer très attentivement les différences qui existent entre les corps inorganiques et les corps vivants ; et pour cela, il faut mettre en parallèle les caractères essentiels de ces deux sortes de corps. »

Ces principes, joints à l’excellente méthode dont nous avons déjà parlé et qui consiste à commencer l’étude de la vie dans les êtres simples et non chez l’homme, ont conduit Lamarck à comprendre que chez les plantes au moins et chez les animaux inférieure, la spontanéité des mouvements vitaux n’est qu’apparente (Avertissement, p. xv) :

« Ayant considéré que, sans les excitations de l’extérieur, la vie n’existerait point et ne saurait se maintenir en activité dans les végétaux, je reconnus bientôt qu’un grand nombre d’animaux devaient se trouver dans le même cas ; et comme j’avais eu bien des occasions de remarquer que, pour arriver au même but, la nature variait ses moyens, lorsque cela était nécessaire, je n’eus plus de doute à cet égard.

« Ainsi je pense que les animaux très imparfaits qui manquent de système nerveux, ne vivent qu’à l’aide des excitations qu’ils reçoivent de l’extérieur… »

Voilà une idée que l’on considérait encore il y a vingt ans comme extrêmement hardie. Si Lamarck n’a pas pu en tirer tout ce qu’elle promettait, c’est que la théorie des fluides l’en a empêché ; mais on ne saurait lui reprocher l’état de la physique et de la chimie à son époque et il faut l’admirer au contraire d’avoir pu, au milieu d’un mouvement scientifique si peu avancé, concevoir une biologie si saine et si féconde. On peut dire que Lamarck a placé la vie parmi les autres phénomènes naturels ; il a attribué aux phénomènes mécaniques, aux influences des conditions de milieu, non seulement la variation des formes spécifiques, mais les manifestations vitales elles-mêmes. Il a été le premier moniste ; il était trop en avance sur tous ses contemporains, mais le siècle qui l’a suivi lui a donné raison.

Darwin a accaparé toute la gloire du transformisme ; ses explications séduisantes ont plus fait pour le triomphe de la théorie que les