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trouvent à la fin transformés en une espèce nouvelle distincte de l’autre. » (p. 62-63).

Voici enfin un superbe passage du chapitre « De l’influence des circonstances sur les actions des animaux ». Je cite ce passage tout au long et sans rien y changer, convaincu qu’on le lira avec intérêt et même avec admiration :

« Entre des individus de même espèce dont les uns sont continuellement bien nourris et dans des circonstances favorables à tous leurs développements, tandis que les autres se trouvent dans des circonstances opposées, il se produit une différence dans l’état de ces individus, qui peu à peu devient très remarquable. Que d’exemples ne pourrais-je pas citer à l’égard des animaux et des végétaux, qui confirmeraient le fondement de cette considération ! Or, si les circonstances restant les mêmes, rendent habituel et constant l’état des individus mal nourris, souffrants et languissants, leur organisation intérieure en est à la fin modifiée, et la génération entre les individus dont il est question conserve les modifications acquises, et finit par donner lieu à une race très distincte de celle dont les individus se rencontrent sans cesse dans des circonstances favorables à leurs développements.

« Un printemps très sec est cause que les herbes d’une prairie s’accroissent très peu, restent maigres et chétives, fleurissent et fructifient, quoique n’ayant pris que très peu d’accroissement.

« Un printemps entremêlé de jours de chaleur et de jours pluvieux, fait prendre à ces mêmes herbes beaucoup d’accroissement, et la récolte des foins est alors excellente.

« Mais si quelque cause perpétue, à l’égard de ces plantes, les circonstances défavorables, elles varieront proportionnellement, d’abord dans leur port ou leur état général et ensuite dans plusieurs particularités de leurs caractères.

« Par exemple, si quelque graine de quelqu’une des herbes de la prairie en question est transportée dans un lieu élevé, sur une pelouse sèche, aride, pierreuse, très exposée aux vents, et y peut germer, la plante qui pourra vivre dans ce lieu s’y trouvant toujours mal nourrie, et les individus qu’elle y reproduira continuant d’exister dans ces mauvaises circonstances, il en résultera une race véritablement différente de celle qui vit dans la prairie, et dont elle sera cependant originaire. Les individus de cette nouvelle race seront petits, maigres dans leurs parties : et certains de leurs organes ayant pris plus de développement que d’autres offriront alors des proportions particulières.

« Ceux qui ont beaucoup observé et qui ont consulté les grandes collections, ont pu se convaincre qu’à mesure que les circonstances d’habitation, d’exposition, de climat, de nourriture, d’habitude de vivre, etc., viennent à changer ; les caractères de taille, de forme, de proportion entre les parties, de couleur, de consistance, d’agilité et d’industrie pour les animaux, changent proportionnellement.

« Ce que la nature fait avec beaucoup de temps, nous le faisons tous les