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mêmes objets entre eux et avec tous les autres que l’on connaît, etc., etc., (p. 12). »

Et plus loin (p. 49) :

« On sait que toute science doit avoir sa philosophie, et que ce n’est que par cette voie qu’elle fait des progrès réels. En vain les naturalistes consumeront-ils leur temps à décrire de nouvelles espèces, à saisir toutes les nuances et les petites particularités de leurs variations pour agrandir la liste immense des espèces inscrites, en un mot à instituer diversement des genres, en changeant sans cesse l’emploi des considérations pour les caractériser ; si la philosophie de la science est négligée, ses progrès seront sans réalité, et l’ouvrage entier restera imparfait. »

Il faut une philosophie zoologique ; nous devons être reconnaissants à Lamarck, qui nous a montré son utilité, et qui, en même temps, nous en a donné une, fort acceptable aujourd’hui encore dans beaucoup de ses parties. Mais une philosophie zoologique n’est bonne que relativement à l’état de la science au moment où elle est instituée ; il faut être tout prêt à l’abandonner dès qu’un fait nouveau détruit les lois provisoirement admises ; c’est d’ailleurs ce que Lamarck nous enseigne lui-même après nous avoir montré le peu de cas qu’il faut faire de l’argument d’autorité. (Avertissement, xxi) :

« Doit-on ne reconnaître comme fondées que les opinions les plus généralement admises ? Mais l’expérience montre assez que les individus qui ont l’intelligence la plus développée et qui réunissent le plus de lumière, composent, dans tous les temps, une minorité extrêmement petite. On ne saurait en disconvenir : les autorités, en fait de connaissances, doivent s’apprécier et non se compter ; quoique, à la vérité, cette appréciation soit très difficile.

« Cependant, d’après les conditions nombreuses et rigoureuses qu’exige un jugement pour qu’il soit bon ; il n’est pas encore certain que celui des individus que l’opinion transforme en autorités soit parfaitement juste à l’égard des objets sur lesquels il se prononce. Il n’y a donc pour l’homme de vérités positives, c’est-à-dire sur lesquelles il puisse solidement compter, que les faits qu’il peut observer, et non les conséquences qu’il en tire. »

Voilà de bons et solides principes. Ne retrouvez-vous pas, dans cette citation, le résumé de l’idée que développe Ibsen dans Un Ennemi du peuple à propos de la « Majorité compacte » ? Et n’est-ce pas aussi une preuve du meilleur esprit de recherche, que cette disposition à abandonner une idée chère dès qu’elle se trouve en contradiction avec les faits ? Tant d’autres ont préféré dénaturer les faits pour les faire entrer dans le cadre de leurs idées préconçues !

Il n’est pas étonnant qu’une méthode aussi prudente et aussi saine