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l’entourant de considérations qui ne laissent aucun doute sur sa légitimité. La structure de notre oreille est telle que, des ondes sonores arrivant à l’orifice externe, il y a transmission vers le limaçon et que, en définitive, l’empreinte de l’ondulation, c’est-à-dire la forme de l’ébranlement s’étale sur une grande surface sensorielle. Quoique cette surface sensorielle ne conserve pas l’empreinte comme l’enregistreur du phonographe fixe la trace du stylet, on ne peut nier que la forme de l’ébranlement ne soit pour ainsi dire dessinée dessus, par des pressions, comme on dessinerait du doigt, sur une table, une ligne sinueuse…

Il n’y a pas enregistrement, en réalité, pas plus qu’il n’y aurait enregistrement si le stylet du phonographe ne mordait pas dans la surface du cylindre, et, même avec un microscope et dans les conditions les plus favorables, l’œil ne pourrait pas voir, sur la surface sensorielle de l’oreille, la ligne sinueuse qui traduit la phrase entendue.

Mais cette surface est sensorielle, c’est-à-dire semée de terminaisons nerveuses d’une sensibilité spéciale, et chacune de ces terminaisons transmet au cerveau l’impression qu’elle reçoit. De telle manière que le cerveau lit, au fur et à mesure qu’il se produit, le dessin fugitif tracé dans le limaçon ; c’est cette lecture qui est l’audition. Elle ne nous montre pas, comme le ferait un organe visuel, la forme de l’ondulation ; elle nous traduit cette forme dans un langage différent, mais également précis, puisque à une forme donnée correspond une impression auditive donnée et réciproquement. Et c’est cette impression auditive qui est le son. En dehors d’elle il n’y a que des mouvements vibratoires se transmettant dans l’atmosphère. Le son, c’est la lecture faite, au moyen de notre organe auditif, de la forme d’une ondulation aérienne.

Ainsi donc, si un perroquet crie sur son perchoir : As-tu déjeuné, Jacquot ? il se produit un mouvement vibratoire de l’air. Ce mouvement vibratoire de l’air a une forme que nous pouvons connaître de deux manières : 1° au moyen de notre organe visuel, si ce mouvement s’enregistre sur un phonographe ; 2° au moyen de notre organe auditif, si ce mouvement se dessine dans notre oreille et nous fait entendre la phrase : As-tu déjeuné, Jacquot ?

Avant l’invention des cylindres enregistreurs, nous n’avions qu une manière de connaître la forme du mouvement produit par le perroquet, la manière auditive. Et cette connaissance était plus directe et aussi précise que celle qui nous vient par les yeux avec l’intermédiaire du phonographe, mais nous n’aurions