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de la charcuterie ? — Trop souvent, cela fatigue. Il nous arrive aussi d’acheter des cornets de frites et d’aller aux Tuileries ou au Palais-Royal pour les manger, cela fait une promenade. — Quels moyens avez-vous de tromper la faim ? — On achète un journal et on reste couché, cela économise les forces. — Avez-vous essayé l’alcool ? — Quelquefois, cela chasse les idées noires. Mais nous prenons de l’eau-de-vie pour nous tenir éveillées au travail, principalement l’été, car on étouffe dans les ateliers. — Qu’est-ce qui vous chagrine le plus dans votre existence ? — De ne pas nous amuser, d’être privées de plaisir, d’être seules, de nous ennuyer.

L’une d’elles écrit : « Lorsque je jette un regard sur l’année déjà passée, j’ai comme le cœur serré. Si je n’étais pas profondément pieuse, je vivais de l’espoir de l’être un jour. Puis la roue du temps à tourné bien vite, emportant ma foi, mes espérances, me laissant en revanche le cœur vide, le même dégoût du monde et le regret de cette foi envolée, peut-être pour longtemps. Pleurer devient banal. Prier, je ne sais plus, et cependant je donnerais tout ce que j’ai de plus cher au monde pour reconquérir cette foi partie, ou plutôt, pour faire le premier pas qui me coûte le plus. » Lettre d’une ouvrière à M. d’Haussonville.

INSALUBRITÉ DES LOGEMENTS

La modicité des salaires féminins a aussi sa répercussion sur l’état des logements, leur exiguïté et leur insalubrité. On connaît l’enquête instructive ouverte à Paris par les docteurs Du Menil et Mangenot dont j’ai parlé dans mon chapitre sur l’antialcoolisme (voir Superstitions politiques et Phénomènes sociaux). On devra se référer à cet ouvrage pour avoir une idée approximative de la situation lamentable des ménages ouvriers, principalement dans les quartiers de la périphérie. Nous n’insisterons donc pas sur cette question en ce qui concerne Paris, mais nous mettrons sous les yeux du lecteur un document très significatif emprunté à l’Autriche :

« L’enquête provoquée au sujet du travail à domicile dans le vêtement et la lingerie, au point de vue de l’hygiène, par le Conseil supérieur du travail autrichien (séance du 20 mars 1899) a porté sur 409 logements ouvriers, occupés, au total, par 347 chefs de famille travaillant dans la confection et 62 dans la lingerie. Les visites sur place ont pris 47 jours, à raison d’une journée en moyenne par 4 à 5 maisons. Les informations relatives au taux des salaires ont été recueillies auprès des intéressés mêmes et n’ont pu être contrôlées.

On trouvera ci-après les conclusions des enquêteurs sur les points essentiels de leurs recherches :

I. Logements
a) RÉPARTITION PAR ÉTAGE :
Dans les sous-sols 
0,4 %
Au rez-de-chaussée 
32,8
À l’entre-sol 
2,77