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Nous savons d’après les documents statistiques relevés dans les Hôpitaux et les Maternités, que la plupart des ouvrières accouchées retournent à leurs travaux entre le septième et le douzième jour qui suit leur délivrance. Quelques-unes retournent plus tôt, entre le troisième et le cinquième jour.

La nécessité du travail l’exige. Il est si facile de perdre sa place quand il y a tant d’inoccupées ! Et c’est là une cause importante d’infirmités, anémie, maladies de l’utérus, etc., et finalement de dégénérescence.

Le comte Albert de Mun (en 1890) avait déposé à la Chambre des députés, une proposition ainsi conçue :

« Les femmes ne peuvent être admises au travail que quatre semaines après leur accouchement. » Cette proposition si naturelle par rapport à la femme considérée comme individu libre, était absolument anormale par rapport à la femme-ouvrière. Aussi souleva-t-elle des objections sérieuses, et le comte de Mun fut obligé lui-même de la retirer.

« Savez-vous à quels résultats vous allez arriver avec votre loi ? déclarait M. Desprès. C’est que les filles-mères employées dans les fabriques se feront avorter pour ne pas perdre quatre semaines de travail. »

Rien de plus juste, en effet. Mais le député qui répondait cela, comprenait-il toute la gravité de ses paroles ? Voyait-il tout le sens de cette antinomie ? L’ouvrière-mère se trouve donc dans cette alternative : éviter l’infirmité en gardant le lit, mais en perdant son travail, ou se faire avorter, pour conserver son travail, afin de se soustraire à une loi qui la protégerait en ne la protégeant pas !

M. Constantin Paul a constaté que les ouvrières qui manient les composés plombiques ont de fréquentes métrorrhagies qu’il considère comme cause des avortements.

Sur 27 grossesses, survenues chez 5 femmes, intoxiquées par le plomb, M. Constantin Paul signale 22 avortements, 4 enfants morts, 1 seul vivant.

Sur 43 grossesses dans le même cas, 32 fausses-couches, 3 mort-nés, 2 vivants mais chétifs. Une femme qui avait fait 5 fausses-couches quitta sa profession et eut un bel enfant. Selon que, les femmes quittaient ou reprenaient alternativement leur état, les enfants vivaient ou mouraient.

Sur 141 grossesses par pères saturnins : 82 avortements, 4 avant-termes, 5 mort-nés. Sur les 50 vivants : 20 morts de 1 jour à 1 an, 15 de 1 an à 3 ans.

14 vivaient, mais 4 seulement avaient passé 3 ans, époque à laquelle les enfants peuvent être regardés comme ayant échappé à cette cause de mort [1].

M. Roque, dans une série d’observations puisées à la Salpétrière et à Bicêtre a constaté des cas nombreux d idiotie, d’imbécillité, d’épilepsie des enfants nés de parents saturnins non alcooliques. Ces parents ayant

  1. Cité par le Dr Proust, dans son Traité d’Hygiène.