M. Kostial avait fait remarquer que la mortalité des enfants des cigarières était, pendant la première année, le double de la mortalité ordinaire. Cette opinion ancienne, relative à la faiblesse des enfants mis au monde par les ouvrières en tabac, a été affirmée à la Société de médecine publique. (Revue d’hygiène 1880, p. 221). Deux sages-femmes du bureau de bienfaisance du quartier du Gros-Caillou ont déclaré au docteur Delaunay que ces enfants ne s’élevaient pas bien et mouraient en grand nombre ; mêmes renseignements lui ont été donnés à la crèche.
M. le docteur Thévenot tient d’une sage-femme du bureau de bienfaisance, interrogée au cours d’une enquête faite avec M. Napias, que le nombre des enfants qui meurent dans la première année est beaucoup plus grand chez les femmes de la manufacture que chez les autres femmes. (Revue d’hygiène 1880, p. 225).
Le docteur Sarré a constaté que les enfants des cigarières meurent en grand nombre. M. le docteur Quinquand a remarqué que ces enfants sont maigres.
D’après M. Goyard, les nouveaux-nés des ouvrières des manufactures de tabac présentent tous sans exception, mais à des degrés divers, des signes qui, même aux yeux les moins exercés, les différencient aisément de la majorité des autres enfants : « Ils sont chétifs, d’une pâleur blême, irritables, difficiles à élever. Dans les épidémies ce sont les premiers frappés, ils supportent très mal les épreuves de la dentition, ils sont sujets plus que les autres à contracter les maladies de leur âge, et une fois atteints, ils n’offrent aucune résistance ; et l’on peut attribuer à la grande dépression de leur système nerveux, la fréquence des convulsions soit idiopathique, soit symptomatiques, qui les atteignent. Ils meurent en grand nombre. (Revue d’hygiène 1880, p. 226).
M. le docteur Étienne, de Nancy, a constaté que la mortalité des enfants des ouvrières en tabacs est supérieure au double de la mortalité infantile dans l’ensemble de la mortalité ouvrière. (Annales d’hygiène 1897, tome Ier, p. 526).
Mais l’action de la nicotine s’étendrait plus loin, et sa présence ( ?) dans le lait aurait la plus pernicieuse influence sur la santé des nourrissons.
Les sages-femmes interviewées par M. le docteur Delaunay lui ont dit que le tabac tarit le lait des nourrices qui est clair et moins riche qu’à l’état normal. Le docteur Sarré, qui est attaché au bureau de bienfaisance du quartier du Gros-Caillou depuis vingt-six ans, conseille aux mères de sevrer leurs enfants. (Revue d’hygiène 1880, p. 37).
D’après M. Quinquand, les enfants des « tabatières » ont, après chaque tétée, des coliques et même de petits accidents nerveux.
Les mères des enfants qui sont soignés à la rue de Grenelle-Saint-Germain et les gardiennes de la même crèche sont unanimes à dire, qu’après avoir tété, les enfants ont des coliques. De plus, leurs selles sont couleur vert-de-gris. À la manufacture de la rue Jean-Nicot, il est de notoriété que « le tabac ôte le lait » et que « les tabatières ont moins de lait que les autres femmes ».