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vous entortiller et vous vendre quand même ce que vous n’auriez pas voulu acheter. On ne se fâche jamais, c’est toujours plus prudent, et puis à quoi que ça sert la fierté mal placée ?

Enfin, mon petit, fais toujours pour le mieux. Jusqu’ici je n’ai pas eu à me plaindre. N’écoute pas ceux qui te donnent des conseils, on se laisse entraîner. Il y en a trop ici qui seraient contents si tu tournais mal. Ah ! malheureux du Bon Dieu, si tu faisais des bêtises, il y en a qui seraient plus contents que si on leur donnait vingt francs ! Il y en a assez qui bisquent de te voir arriver ! Je l’ai toujours dit : « On se plaint que ce soient les enfants des bourgeois qui aient toutes les places, et quand on voit l’enfant d’un ouvrier qui a envie de bien faire, on fait tout ce qu’on peut pour l’empêcher. » Dame ! en vois-tu un autre dans le pays qui fasse pour ses enfants ce que j’ai fait pour toi ? Je les entends faire, le samedi chez le coiffeur, tous ces beaux messieurs : « Nos enfants, qu’ils fassent comme nous, qu’ils travaillent ! » Eux, ils ne se privent de rien, ils vont à Paris voir l’Exposition. Dame ! ce n’est pas un billet de cent francs par tête qui suffit !

Enfin, mon petit, tout ce que je te dis, c’est pour ton bien. Tout ça, tu le trouveras plus tard. Voilà qu’il est une heure et demie, il faut que j’aille travailler.

(A suivre.)Charles-Louis Philippe