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tration, de déformation, méritent à leur tour l’épithète de dénaturés. — J’aime à croire que les longues semaines sans sortie, les dortoirs inconfortables, les nourritures sans sucs, les couchers sans tendresse, les levers sans soin et sans hygiène, ont fait place à de moins barbares traitements. Néanmoins, les dépaysements douloureux, les contacts hostiles, les incompréhensions, les persécutions et tant d’autres horreurs subsistent sans modification sensible, sans amélioration possible. Il y a donc de l’ironie à interroger un homme sur la sorte de développement qu’a pu lui valoir ce système de comprachicos. Notez que je parle sans distinction d’établissements.

Ce qu’on peut répondre, c’est que seul l’esprit de contradiction ou de réaction peut, à l’occasion, amener certains résultats ; et que ces difficultés et ces tortures précoces peuvent produire des caractères ; mais au prix de quelles souffrances et de quels irréductibles faux plis contractés à l’origine du sentiment, au début de la pensée !

Le développement des facultés de chacun, le libre essor des natures, l’éclosion spontanée des dons devraient être la norme des éducations, la véritable formule de l’enseignement libre. L’apôtre en a légué la recette : « chacun a son don particulier, selon qu’il le reçoit de Dieu, l’un d’une manière, et l’autre d’une autre. »

Les nécessités de carrières subies, l’obligation du service militaire, restreignent et contraignent cette liberté et la réduisent à des spécimens émondés d’humanité, qui font des hommes comme des ifs et des buis taillés en forme de prêtres ou de soldats, de diplomates ou de juges.

De M. Henri de Régnier :

J’ai été élevé au Collège Stanislas et l’éducation que j’y ai reçue n’a été vraiment pour rien dans le développement de ma personne intellectuelle et morale. Quant à la liberté de l’enseignement, il me semble que c’est tout de même le parti le plus sage.

De MM. J.-H. Rosny :

1° Nous avons été élevés dans un établissement laïque.

2° Nous attribuons au genre d’éducation que nous avons reçu notre goût décidé pour notre époque et aussi ce que nous avons d’indépendant dans le caractère.

Quant à la liberté d’enseignement, permettez-nous de ne pas nous prononcer maintenant : cette question ne peut être traitée en peu de lignes ; un long article y suffirait à peine.

De Mme Andrée Téry :

1° J’ai été élevée dans ma famille où l’on a essayé de me donner, cahin-caha, à peu près la même instruction que recevait mon frère au lycée. Plus tard, j’ai suivi les cours de la Sorbonne, puis j’ai passé deux ans à l’Université d’Oxford. C’est mon mari qui m’a préparée à la licence ès lettres.