— Eh bien ! Viens-y donc, vieux feignant, Viel éborgné ! Tu n’es même pas bon à chercher ton pain.
— Ah ! tu crois que je n’irai pas !
Il respirait comme un fauve, avec un grondement qui sortait par morceaux. Elle fit un pas dans la rue. Alors il s’avança et la gifla en pleine gueule, à tour de bras. Le sang lui jaillit du nez d’un seul coup, Elle l’avalait déjà. Elle se mit à crier :
— Hé ! la la, mon Dieu ! Vieil assassin ! Hé ! la la, mon Dieu ! Il m’a défigurée.
Elle reprenait :
— Ah ! tu vas voir, vieux feignant, vieux malheureux, si je ne descends pas chez les gendarmes. Je veux que tu finisses ta vie en prison.
Elle descendait à grandes gambées, penchait la tête à droite, à gauche, pour mieux faire couler le sang et l’étalait sur son visage comme une vengeance.
On lui disait en route :
— Eh bien ! Qu’est-ce qu’il y a donc ?
Elle répondait en courant
— C’est ce vieux galérien qui m’a tuée. Je vais chercher les gendarmes.
Elle arriva :
— Oui, monsieur, voyez ! Il m’a battue. Le sang me sort de la tête.
Les gendarmes dirent :
— C’est bien.
Comme elle remontait, ils allèrent dans la chambre du brigadier qui leur répondit :
— Restez donc tranquilles. On ne peut pas se mêler à tout. La Blonde, Perdrix, tout ça c’est des gueux et ça se dispute toujours.
Trois ans passèrent. Il ne devint pas aveugle. Monsieur Edmond, consulté, répondit : « Ah ! mais non ! Pas de bêtises ! Vous avez l’air guéri. Mais travailler ? Ah, ! mais non ! Le feu vous est contraire. »
C’était une vie sans but et faite avec des jours ajoutés. Plus rien n’était mauvais, à cause de l’habitude, mais surtout plus rien n’était bon. Autrefois, il connaissait le