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montant dans sa propre poche. Je rencontrai un après-midi trois amis qui venaient, disaient-ils, d’acheter de l’Overman aux enchères à huit dollars le pied. L’un me dit que si je voulais passer par son bureau, il m’en donnerait quinze pieds ; un autre me dit qu’il en ajouterait encore quinze et le troisième de même. Mais je courais après une enquête et je ne pouvais m’arrêter. Quelques semaines plus tard, ils vendirent tout leur Overman 600 dollars le pied et ils revinrent généreusement me le raconter — et aussi me supplier d’accepter les prochains quarante-cinq pieds qu’on tenterait de m’imposer. Ce sont là des faits authentiques, et je pourrais en citer une longue liste, tout en me confinant dans les strictes bornes de la vérité. Bien des fois, des amis nous donnèrent jusqu’à des vingt-cinq pieds d’un titre qui se vendait 25 dollars le pied, sans y attacher plus d’importance qu’à l’offre d’un cigare. C’était « l’Age d’or » pour de bon ! Je croyais qu’il allait durer toujours ; mais je n’ai jamais été fort en prophéties, à ce qu’il paraît.

Pour montrer de quelle initiative était possédée la cervelle minéralogique du public, je remarquerai que des concessions s’établirent positivement dans des excavations à usage de caves où le pic avait découvert ce qui paraissait être des veines d’argent — et cela non pas dans les faubourgs, mais au cœur de la ville ; et sur-le-champ on émettait des titres et on les introduisait sur le marché. À qui la cave appartenait, cela n’importait guère : — le filon appartenait à l’inventeur et à moins que les États-Unis n’intervinssent (attendu que le gouvernement détient le droit primaire de propriété aux mines de métaux précieux du Nevada, à cette époque du moins il le détenait), on considérait qu’il avait le privilège de l’exploiter. Figurez-vous un étranger qui viendrait jalonner une concession minière au milieu des arbustes rares de votre cour d’entrée et qui se mettrait froidement à dépouiller le sol à coups de pics, de pelles et de mines ! C’est arrivé souvent en Californie. Au milieu d’une des principales et des plus commerçantes rues de Virginia, un individu plaça sa concession et y commença un puits. Il me donna une centaine de pieds en actions que je rétrocédai moyennant un superbe complet, parce que je craignais que quelqu’un ne vînt à tomber dans le puits et à réclamer des dommages-intérêts. J’étais aussi actionnaire d’une autre concession située au milieu d’une autre rue ; les titres de cette « Inde Orientale » (comme on l’appelait) étaient très achalandés : cependant il y avait un vieux tunnel qui courait directement en dessous de la concession, et le premier venu pouvait y pénétrer et constater qu’il ne recoupait ni filon de quartz ni rien qui y ressemblât même de loin.