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et de quelques oxydes. Si, dans les leçons qu’on lui donne, l’écolier doit rester passif, si on ne lui demande rien de plus que de savoir répéter docilement les vérités des autres, le choix des branches qui figurent au Programme n’a guère d’importance. En lui enseignant l’algèbre et la botanique, on n’agira pas plus profondément sur son esprit qu’en lui enseignant la grammaire et le latin.

Le caractère essentiel des vérités « scientifiques » est d’être contrôlables. C’est ce caractère qui leur donne toute leur valeur éducative. Or, on s’applique avant tout à faire connaître à l’enfant les résultats de la science. Un pharmacien, en effet, doit savoir que le sulfate de plomb est un sel insoluble dans l’eau.

Bien des spécialistes reconnaissent chaque semaine l’importance du théorème de Pythagore. Mais, — puisqu’il ne s’agit pas, ici, des écoles professionnelles, — on peut dire que le maître doit ignorer le métier qu’exerceront plus tard ses élèves ; il doit s’efforcer de développer en eux les aptitudes qui leur seront précieuses, quel que soit leur avenir.

En fait d’enseignement scientifique, que l’on habitue d’abord l’enfant, en lui proposant durant des années des exercices variés et aussi attrayants que possible, à discerner de mieux en mieux les petites différences et les profondes analogies qu’il y a entre les choses. Il est superflu de développer ici tous les avantages qu’offre cette méthode. Faisons seulement remarquer que l’écolier en arriverait souvent à reconnaîtra que telle différence en implique toujours une autre ; et, de la sorte, ses notions se coordonneraient peu à peu.

La science ne devrait être pour les écoliers du premier âge que l’ensemble des vérités qu’ils peuvent contrôler eux-mêmes. Qu’on les encourage à faire des hypothèses qu’ils vérifieront ensuite. Tantôt l’hypothèse apparaîtra immédiatement comme inadmissible ; tantôt elle sera confirmée avec éclat. Il arrivera aussi parfois que sa vérification ne sera qu’apparente. Enfin, dans certains cas, on ne pourra la conserver qu’avec quelques restrictions. En résumé, il faut que l’enfant connaisse la différence psychologique, pour ainsi dire, qu’il y a entre le vrai et le faux : ce qui est inexact doit éveiller en lui un mouvement de protestation. Il sera alors plus sûrement moral que si, dans ses leçons de calligraphie, on lui a fait écrire trente fois, en ronde, en gothique ou en bâtarde : « Le mensonge est un échelon qui conduit au crime. » Dans les écoles d’aujourd’hui l’enfant reçoit une éducation sensiblement différente de celle qui est indiquée ici en quelques mots[1]. Ceux qui le préparent à la vie lui confient comme un dépôt précieux un très grand nombre de vérités scientifiques ; mais ils n’augmentent pas sa puissance.

Un cours bien fait, comme il y en a tant aujourd’hui, est un monument d’une détestable perfection. On y accède par une Introduction bien ratissée, qui s’avance toute droite entre deux murs très hauts. Sur le

  1. Voir le beau livre de M. P. Lacombe : Esquisse d’un Enseignement basé sur la psychologie de l’enfant (A. Colin).