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nombreux. L’école conserve avec un soin jaloux ses anciennes habitudes. Pour de longues périodes elle considère comme irréprochables les catégories qu’elle établit une fois, la distinction qu’elle fit entre ce que l’on doit savoir et ce que l’on peut ignorer et, aussi, la forme qu’elle donna à ses vérités fondamentales. Ainsi, jusqu’à notre époque, on a jugé nécessaire de séparer nettement les leçons les unes des autres, et, cela, qu’il s’agisse d’écoliers très jeunes ou non. Je veux dire que le lundi matin, par exemple, tels gamins de neuf ans entendront leur maître enseigner durant une heure la géographie. La leçon suivante sera consacrée à l’arithmétique exclusivement. Ensuite on apprendra à ces enfants quelques règles de grammaire qu’ils auront peut-être un jour l’occasion d’appliquer. Le fait est qu’une leçon d’arithmétique qui se transformerait tout à coup en une leçon de langage clair risquerait de se terminer d’une façon plus imprévue encore. Or la tâche unique de l’autorité est de faire régner l’ordre, partout et toujours.

Donc, dès le premier jour, le pédagogue dit à l’écolier : « Mon ami, tu ne sais rien. Eh ! bien, nous allons commencer par classer tes connaissances ». — Avant qu’il se fasse la moindre idée de la manière dont vivaient les hommes d’autrefois et des événements qui furent pour eux et pour leurs successeurs d’une grande importance, l’enfant entend le mot Histoire comme le nom d’une chose vague, lointaine et mystérieuse. Ce mot vide et sonore n’est pas sans exercer sur son esprit un effet légèrement stupéfiant. Lorsqu’il arrive à l’école, le cours ou le manuel d’histoire qui lui est destiné est déjà rédigé au complet. Désormais, et peut-être définitivement, l’histoire, pour lui, sera cela. Son maître lui racontera-t-il la marche héroïque et lente de l’être humain vers la liberté ? Insistera-t-il plutôt sur tous les moyens que l’homme employa pour aménager confortablement sa planète ? Ou bien lui enseignera-t-il l’histoire des idées et des coutumes ? Il est probable que ce sera celle des batailles et des guerriers illustres et que très, tôt l’enfant apprendra à respecter les grands roublards historiques. Quoi qu’il en soit, l’écolier, dès le premier jour, reçoit de ceux qui l’instruisent des catégories toutes faites ; c’est-à-dire que ceux dont le but essentiel est de lui apprendre à réfléchir, ou, tout au moins, de stimuler sa curiosité, enlèvent à sa pensée ce qu’elle a de mobile et de rapide.

Ils ralentissent sa vie mentale. Si l’enfant, sous la direction d’un maître intelligent, avait le loisir d’exprimer les questions nombreuses que lui suggère ce qu’il voit autour de lui ou ce qu’on lui montre dans l’espoir de l’émerveiller ou, simplement, de l’intéresser, il en arriverait peu à peu à comprendre les causes profondes qui expliquent les phénomènes de la vie sociale ou du monde physique. Les investigations variées l’ayant conduit maintes fois à ces facteurs permanents, il n’accorderait pas à toutes ses notions une égale importance ; et, plus tard, ses idées générales seraient l’expression de ce qu’il aurait vu et de ce qu’il aurait pensé durant des années, au lieu de se réduire à quelques phrases vides, conservées docilement par sa mémoire. C’est cette docilité que l’on impose aux écoliers d’aujourd’hui. Parce que dans leurs leçons