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de savoir résoudre une fois pour toutes. D’ailleurs pour un enfant intelligent mais très jeune la division consiste tantôt en un partage à effectuer, tantôt en une opération différente de celle-là. Il n’est pas encore capable d’embrasser dans une définition unique ces deux sortes de divisions.

Avec l’autorité que donne la science, des mathématiciens illustres, membres de l’Institut, font pour les commençants des livres où il est dit : « Pour diviser un nombre par un second, on place le second à la « droite du premier, etc. » Et la règle continue ainsi durant plus de quinze lignes, enseignant à l’écolier docile la disposition la plus commode qu’il puisse adopter pour ses calculs. Ayant à rechercher combien de fois 37 est contenu dans 2701, l’enfant n’a pas le droit de soustraire d’abord 50 fois 37 de 2701, puis de soustraire du reste obtenu 10 fois 37 et 10 fois encore. Ce procédé serait enfantin. L’enfant ne doit pas être enfantin. Les procédés parfaits offrent cet avantage que l’écolier les applique rapidement sans comprendre, sans penser. Très tôt, on le transforme en une machine à calculer. Les pédagogues semblent ignorer que, logiquement, la question précède la réponse. Beaucoup d’entre eux pourraient, en manière de réclame, inscrire au-dessus de leur porte : « Mes élèves ne cherchent pas : ils trouvent. »

Si l’on voulait voir dans l’enfant une personne et non pas un futur rouage du mécanisme social on l’éduquerait autrement. Supposons que l’écolier ait à rechercher la racine carrée d’un très grand nombre. Qu’on lui suggère, s’il n’y songe pas lui-même, de calculer tous les produits : deux fois deux, trois fois trois, quatre fois quatre, etc., jusqu’à ce qu’il trouve le facteur donnant le résultat voulu. Il reconnaîtra bien vite qu’il n’est pas nécessaire de calculer tous ces produits, beaucoup d’entre eux ayant une valeur sûrement trop faible. Abrégeons. Il est toujours possible, qu’il s’agisse de racines carrées ou d’autres calculs, de passer d’une manière à peu près continue des tâtonnements les moins élégants au procédé sous sa forme classique. C’est ce chemin qu’il faut faire suivre à l’enfant. Il ne sera d’ailleurs pas indispensable de le lui faire suivre jusqu’au bout (à supposer qu’on en connaisse déjà le bout). Que la route parcourue reste ouverte sur de nouveaux progrès possibles. Si l’écolier s’arrête avant ou à côté du procédé parfait, cela n’a aucune importance. Il aura senti lui-même le besoin de perfectionner ses moyens ; il aura assisté à l’activité de sa propre intelligence ; il aura compris : c’est l’essentiel.

Il faut noter ici qu’en laissant l’enfant libre d’employer d’abord les méthodes puérilement simples et très médiocres qu’il est capable d’imaginer lui-même on ne supprime pas le rôle de sa volonté. Je veux dire qu’il se sert alors d’un instrument qu’il a inventé, peut-être sans le secours de personne, pour atteindre un certain but, instrument qu’il améliorera peu à peu et qu’il abandonnera de son propre chef lorsqu’il en connaîtra un autre d’une supériorité évidente. Il est en quelque sorte au-dessus de sa besogne ; il en est le maître. Par contre l’écolier qui, dès le premier jour est tenu d’appliquer les procédés devenus classi-