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naires de mines étaient obligés d’exécuter une somme de travail honnête et raisonnable sur leur nouvelle propriété dans les dix jours suivant la concession, sinon ils en étaient déchus et quiconque pouvait s’en emparer à sa guise. Nous décidâmes donc de nous mettre au travail le lendemain. Au milieu de l’après-midi en sortant du bureau de poste, je rencontrai un M. Gardiner qui me raconta que le capitaine John Nye était chez lui (au ranch de Nine-Miles), au lit et gravement malade, et que sa femme et lui n’arrivaient pas à donner au patient les soins et l’assistance que son cas demandait. Je répondis que, s’il voulait m’attendre un moment, j’irais l’aider auprès du malade. Je courus à la cabane prévenir Higbie. Il était absent, mais je laissai sur la table un mot à son adresse et, quelques minutes après, je quittais la ville dans le chariot de Gardiner.

CHAPITRE XLI
Un rhumatisant. — Je pars. — Notre ballon crève. — Notre troisième associé.

Le capitaine Nye était vraiment très malade d’un rhumatisme spasmodique. Mais le vieux monsieur restait lui-même, c’est-à-dire qu’il était aimable et courtois quand il ne souffrait pas et qu’il devenait un chat sauvage d’une violence singulière quand les choses se gâtaient. Était-il en train de sourire, et assez gaîment ma foi, qu’un subit accès de son mal le prenait et que son sourire s’éteignait dans un paroxysme de fureur. Il geignait, se lamentait et hurlait d’angoisse et remplissait les intervalles avec les jurons les plus laborieux qu’une forte conviction et une belle imagination pussent inventer. En temps ordinaire, il savait à l’occasion jurer pertinemment et manier ses adjectifs avec un grand discernement ; mais quand l’accès le tenait, c’était pénible de l’entendre, tellement il devenait maladroit. Malgré tout je l’avais vu soigner un malade lui-même et accepter patiemment les inconvénients de la situation. Par conséquent j’étais résolu à lui laisser toute latitude, maintenant que son tour était venu. Il ne pouvait pas me démonter avec tous ses emportements et ses imprécations : mon esprit avait de l’occupation sur la planche et il s’y absorbait nuit et jour, quel que fût d’ailleurs le travail ou l’oisiveté de mes mains. Je modifiais et perfectionnais les plans de ma maison, j’examinais s’il ne vaudrait pas mieux placer la salle de billard dans les combles