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— Tout l’été ! Je resterai trois ans.

— Non — mais sérieusement ?

— Certainement.

— J’irai avec vous.

— Mais bien sûr.

— Dans quel pays de l’Europe irez-vous ?

— Dans tous. En France, en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et en Italie ; en Suisse, en Syrie, en Grèce, en Palestine, en Arabie, en Perse, en Égypte, partout, de tous les côtés.

— Ça me va.

— Parfait.

— Il ne sera pas dans un sac, le voyage ! non !

— Nous dépenserons trente ou quarante mille dollars pour ça !

Encore un long silence.

— Higbie, nous devons six dollars au boucher et il menace de nous couper le…

— Asseyez-vous dessus.

— Amen !

Et ainsi de suite. Vers trois heures nous reconnûmes que ce n’était pas la peine de continuer. Nous nous levâmes donc et nous jouâmes au jacquet, en fumant des pipes jusqu’au jour. C’était mon jour de semaine à la cuisine. J’avais toujours détesté la cuisine, à présent je l’abominais.

La nouvelle était répandue en ville. L’émotion avait été grande la première fois ; cette fois-ci elle était encore plus considérable. Je me promenais par les rues heureux et serein. Higbie me dit qu’on avait offert deux cent mille dollars au contremaître pour son tiers de la mine. Je répondis qu’il ferait beau me voir vendre le mien pour ce prix-là. Mes prétentions étaient grandioses. Mon chiffre était un million de dollars. Pourtant, en toute loyauté, je crois que si on me l’avait offert, cela n’aurait pas eu d’autre effet que me faire exiger davantage.

Je prenais un plaisir abondant à être riche. Un individu m’offrit un cheval de trois cents dollars contre ma simple signature, sans endos. Ce fait m’apportait la sensation la plus palpable de toutes celles que j’avais encore éprouvées : que j’étais riche pour de bon, sans l’ombre d’un doute. Il fut suivi de nombre d’autres témoignages de la même nature — parmi lesquels je me permettrai de mentionner l’acte du boucher qui nous apporta double ration de viande et ne souffla mot de l’argent.

Selon les lois du district, les « découvreurs » ou concession-