Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/509

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



nous parvînmes à ce sommet et que nous pénétrâmes de l’autre côté du mur, nous ne trouvâmes qu’un bassin peu profond, se développant au loin, tapissé de cendres et par ci par là de quelques traînées de sable fin. Par endroits, de pittoresques jets de vapeur fusaient hors des crevasses attestant que si cet ancien cratère s’était retiré des affaires, il restait encore du feu dans ses fournaises. À côté d’un de ces jets de vapeur, s’élevait le seul arbre de l’île, un petit pin du plus gracieux contour et de la plus impeccable symétrie ; sa couleur était d’un vert brillant, la vapeur flottait incessamment à travers ses branches et les humectait perpétuellement. Il constrastait assez étrangement, ce beau et vigoureux déclassé, avec son sinistre entourage de mort. On aurait dit un fantôme joyeux dans une demeure en deuil.

Nous courûmes partout après la source, traversant l’île dans toute sa longueur (de 3 à 5 kilomètres) et deux fois dans sa largeur, escaladant patiemment les monticules de cendres et nous laissant glisser de l’autre côté sur notre séant en soulevant des volumes étouffants de poussière grise. Mais nous ne trouvâmes rien que de la solitude, des cendres, et un silence à fendre le cœur. À la fin nous remarquâmes que le vent s’était levé et nous oubliâmes notre soif devant notre inquiétude, car, le lac étant calme, nous n’avions pas pris la peine d’amarrer notre bateau. Nous nous hâtâmes jusqu’à un point de vue commandant notre débarcadère et alors… mais de simples paroles ne peuvent décrire notre consternation — le bateau était parti. La situation n’était pas agréable ; au vrai, pour parler ingénument, elle était effrayante. Selon toute vraisemblance, il n’existait pas d’autre embarcation sur le lac entier. Nous étions prisonniers sur une île déserte, dans le voisinage d’amis, qui, chose effroyable, étaient pour le moment incapables de nous secourir ; et le plus ennuyeux c’était encore que nous n’avions ni vivres ni eau. Mais bientôt nous aperçûmes le bateau. Il dérivait au hasard, nonchalamment, à une cinquantaine de mètres de la rive, ballotté dans une houle écumeuse. Il dérivait et dérivait sans relâche, mais à la même distance prudente de la terre et nous attendions que la fortune nous favorisât. Au bout d’une demi-heure, il s’approcha d’un cap en saillie, et Higbie courut se poster sur la pointe extrême prêt à l’assaut. Si nous manquions notre coup nous n’avions plus d’espoir. L’embarcation s’approchait maintenant sans cesse du rivage ; mais s’en rapprocherait-elle assez pour qu’il y eût contact ? telle était la question importante. Quand elle arriva