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tance plus ou moins considérable des fragments empruntés à l’Essai sur le développement de la doctrine chrétienne.

Mais vraiment, cher maître, je m’étonne que votre patriotisme éclairé ignore une de nos plus grandes gloires nationales. C’est en 1809 que Lamarck publia son immortel ouvrage, la Philosophie zoologique. Je comprends que vous n’ayez pas lu Lamarck : il est difficile de se procurer son livre ; mais vous en avez probablement entendu parler. Vous n’ignorez sans doute pas que Gœthe s’est vivement intéressé au début du xixe siècle au grand mouvement transformiste étouffé sous le despotisme de Cuvier. Si Newman pouvait réellement être considéré comme un évolutionniste, la théorie de l’Évolution n’en appartiendrait pas davantage à l’Église, car si, comme vous dites, le nom de Charles Darwin est, à bon droit, inséparable de l’idée d’Évolution, l’illustre auteur de l’Origine des espèces n’en est pas moins venu cinquante ans après Lamarck — qu’il a d’ailleurs méconnu, ce qui est une tache à sa gloire. Ah ! si Lamarck et G. Saint-Hilaire avaient été cardinaux, ou même simplement curés ! l’Évolution appartiendrait à l’Église ! Hélas ! il faut en faire votre deuil, à moins que vous ne remontiez à Moïse, comme l’annonçait le prévoyant M. Tacaud…

Mais que dis-je ? Si Lamarck n’était pas tonsuré, du moins pourra-t-on tirer de ses œuvres quelques bons passages au moyen du système des citations tronquées que préconise M. Brunetière (p. 24) après avoir reproduit un passage d’Auguste Comte :

Et à la vérité, j’ai dû, messieurs, en citant ces lignes, supprimer quelques membres de phrase et je ne saurais omettre de dire que, dans le texte du philosophe, elles sont précédées et suivies de considérations bien étranges ! Mais, précisément, c’est ce que j’espère et ce que je vous propose : dans ce grand et massif édifice de la Philosophie positive, il y a lieu de faire un choix des matériaux. Faisons-le. Distinguons et séparons. N’hésitons pas à nous approprier ce qui peut nous en servir. Mettons-y hardiment notre marque. La vérité est à tout le monde, et s’il arrive que nos adversaires l’aient éloquemment exprimée, ne la repoussons, ni ne la dédaignons, ni ne la méconnaissons parce qu’ils sont nos adversaires, ni parce qu’elle est mélangée d’erreur.

Voilà de bons principes — une fructueuse méthode ! On élaguera l’erreur et on fera dire aux gens précisément le contraire de ce qu’ils ont pensé. En appliquant la méthode à Lamarck, on pourra trouver, en particulier, un certain nombre de passages qu’il a glissés dans son ouvrage pour qu’on en autorisât la publication et avec l’ensemble de ces passages on pourra faire une brochure pour la bibliothèque Science et Religion.

Par exemple, page 349, il commence un admirable exposé de l’origine commune de l’homme et des singes, mais il commence par ces mots prudents : « Si l’homme n’était distingué des animaux que relativement à son organisation, il serait aisé de montrer que les caractères d’organisation dont on se sert pour en former, avec ses variétés, une