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il ne baisse ni ne monte d’une manière appréciable et ce qu’il fait de son trop plein est un mystère noir et sanglant.

Il n’y a que deux saisons dans la région qui avoisine le lac Mono, — ce sont la fin d’un hiver et le commencement du suivant. Plus d’une fois, dans l’Esméralda, j’ai vu un matin parfaitement torride débuter avec 33° au thermomètre, à huit heures, puis j’ai vu la neige tomber à 35 centimètres d’épaisseur et ce même thermomètre descendre à 7° au-dessous de zéro à l’abri, avant neuf heures du soir. Dans les circonstances les plus favorables, il neige au moins une fois en chacun des mois de l’année dans la petite ville de Mono. Le climat est si incertain pendant l’été, qu’une dame qui s’en va en visite ne peut espérer parer à toutes les éventualités si elle n’emporte son éventail d’une main et ses snowboots de l’autre. La procession du 4 Juillet se déroule par la neige, et on dit qu’en règle générale, quand un client demande un grog chaud, le cabaretier le lui débite en morceaux avec une hachette et l’enveloppe dans du papier comme du sucre d’érable. On raconte aussi que les vieux pochards n’ont plus de dents, qu’ils les ont usées à manger des coktails au genièvre et des punchs au cognac. Je ne garantis pas cette dernière affirmation — je ne la donne que pour ce qu’elle vaut et elle vaut… mon Dieu, je dirai des millions pour ceux qui peuvent la croire sans se blesser. Mais je garantis la neige du 4 juillet — parce que je sais que celle-là est vraie.

(À suivre.) Mark Twain

Traduit de l’anglo-américain par Henri Motheré.